Qui aujourd’hui garde en mémoire la Révolution de 1848 ? Rappelons l’évènement : le règne de Louis Philippe, né de la Révolution de 1830, s’acheva dix-huit ans plus tard, le Roi et son gouvernement n’ayant pas su faire les réformes que réclamait l’opinion publique. C’est l’avènement de la seconde République qui, quatre ans plus tard, devra laisser la place au Second Empire. Cette renaissance de la République fut fêtée en France lors de son centenaire. On renoua avec la coutume de l’arbre de la Liberté qui s’était implantée en France en 1790. Il fut donc décidé de planter un arbre de la Liberté dans chaque commune. L’essence n’était pas imposée. Si le peuplier est bien l’arbre du peuple, son bois blanc sans grande valeur ne lui confère pas une image positive. Aussi lui préfèrera-t-on d’autres essences, à Saint-Germain-la-Ville, un marronnier, à Sainte Ménehould ce fut un tilleul. L’événement mobilisa toute la ville, mais Baillon dans son histoire de la ville ne lui consacre que quatre lignes, alors que trois pages suivent pour célébrer le nouveau reliquaire destiné à recevoir les reliques de Sainte-Ménehould ! Mais nous avons pu nous procurer des extraits du fascicule édité à l’occasion par les archives de la Marne :
« Le 14 mars, le Centenaire de la révolution de 1848 fut commémoré avec éclat. La veille, une retraite à laquelle participèrent les sapeurs-pompiers, les tirailleurs [1] , la clique de l »Aiglonne, parcourut les rues. L’après-midi du 14 mars, à 14 h 30, au Casino où se pressait une foule d’auditeurs, une conférence sur la Révolution de 1848 fut donnée par M. Lavallée, membre du Comité départemental de Célébration du Centenaire. M. Deleplanque, Sous-Préfet, présidait, entouré de MM. Buache, maire ; Noizet, conseiller général ; du capitaine Julien, commandant d’armes ; de M. Marcel, adjudant-chef, commandant de section de gendarmerie ; de M. L’abbé Martin, archiprêtre ; de MM. Jacquier, Dumont, Gavelines, adjoints au maire ; Dosnon, ingénieur des Ponts et Chaussées ; Jaunet, capitaine des sapeurs-pompiers et conseiller municipal ; de Mme Mangeot et M. Cossu, directeurs d’écoles ; de MM. Peuscet, principal du Collège ; Caulier, secrétaire général de la Sous-Préfecture ; Lecogne, percepteur ; de M. l’abbé Fagot, vicaire ; de M. Lancelot, président de l’Association du Commerce et de l’Industrie. Le long exposé de M. Lavallée fut vivement apprécié et salué de nombreux applaudissements, puis M. le Sous-Préfet et M. Buache félicitèrent le conférencier.
La cérémonie de la plantation de l’arbre de la Liberté devait avoir lieu ensuite. Elle fut précédée d’un défilé en tête duquel marchait un piquet de tirailleurs, la société l’Aiglonne avec ses athlètes et de nombreux tambours et clairons, puis le char où était placé l’arbre qui devait être planté quelques instants plus tard, tiré par six beaux chevaux conduits par trois postillons vêtus de costumes de 1848 : MM. Marcel Janin, Bernard Mazurier, André Grandjean.
Le char magnifiquement décoré de guirlandes et de cocardes tricolores par les soins de M. Gaston Bazinet, était encadré de gardes nationaux en armes, les jeunes Pierre Damien, Roland Steffen, Michel Mahuet, Maurice Vepierre, Michel Louis. A l’arrière, « la République » était personnifiée par Mlle Ginette Diot, toute gracieuse dans sa draperie tricolore auréolée de drapeaux au milieu desquels brillait le soleil levant de la Liberté. Elle était escortée par des gardes nationaux armés de fusils authentiques de l’époque. Le centre du char était occupé par quatorze fillettes vêtues de costumes tricolores [2], coiffées du bonnet phrygien portant une multitude de drapeaux ; c’étaient Mlles Françoise Hasselman, Eliane Adam, Monique Fortier, Michèle David, Jacqueline Hardert, Denise Marcel, Paulette Mahout, Geneviève Duboisy, Yvette Cuny, Lucienne Hurpin, Josette Dumont, Mireille Hurpin [3] .
Les autorités suivaient, précédant la longue file d’élèves du Collège et des Ecoles de la ville, les différentes sociétés avec les drapeaux des anciens combattants et de la 2147ème section des Vétérans des Armées de terre, de mer et de l’air, et quantité de personnes de la ville et de la campagne.
Arrivé au square Pasteur, l’arbre, un tilleul provenant de la Forêt de la Ville, fut descendu. M. Steffen, conseiller municipal le plaça à l’endroit choisi. Les élèves des deux écoles et du Collège, sous la direction de Mme Bazinet, se firent applaudir dans l’exécution de « L’Arbre de la Liberté » de Grétry et « L’Hymne à la Liberté » de Méhul. L’harmonie municipale fit entendre la « Marseillaise », l’Aiglonne de vigoureux pas redoublés et le cérémonial de la plantation de l’arbre commença.
M. le Sous-Préfet, puis M. Buache, M. Cossu, d’autres encore jetèrent les pelletées de terre symboliques."
Puis M. Deleplanque, Sous-Préfet, prononça avec grande éloquence un discours d’érudit retraçant le rôle symbolique de l’arbre dans notre civilisation.
Le soir, au Casino, un bal clôtura cette magnifique journée où l’enthousiasme de la foule récompensa le dévouement des organisateurs.
Malheureusement, quelques jours plus tard, l’arbre fut vandalisé. S’agissait-il là d’un acte politique dû à de fervents royalistes, ou gratuit de quelque abruti ? Mais la municipalité persista. Un nouveau tilleul fut planté et épargné. Il est toujours là ! Seule lui manque à son pied une plaque rappelant le symbole qu’il représente.