Comme chacun sait, pendant les guerres, il y a chez tous les belligérants, des aumôniers dans les armées pour réconforter et apporter aux soldats un soutien moral et spirituel. Toutes les sensibilités religieuses y sont représentées.
Il est incontestable que l’histoire a retenu en ces hommes des personnages hors du commun, en particulier pendant la guerre 14/18 et qui méritent toute notre admiration.
En 1914, le clergé a été mobilisé (25 000 environ) pour cause de guerre totale. Ils sont tous devenus une source d’énergie, d’exemple de camaraderie, de patriotisme, de confidences, en portant le casque Adrian, à l’instar de notre brave et dévoué Abbé Cheutin, curé de Florent et de Moiremont.
Quel dilemme avec leur foi pour ceux versés dans les unités combattantes. « Tu ne tueras point ».
Déjà fin 1914 en Argonne, beaucoup d’églises sont détruites ou fortement endommagées. Dans les villages de repos ou de proximité du front, comme à Moiremont, on y disait la messe au minimum 3 fois par semaine. A chaque office, l’église était bondée. La population civile s’y mélangeait. Les offices étaient célébrés par des aumôniers, des prêtres âgés, des séminaristes en duo. Le recueillement était extrême, le silence absolu. Les officiers se plaçaient dans les stalles, les blessés en convalescence au premier rang.
Au-delà du spirituel, des prières patriotiques, le sermon était attendu. Il encourageait la combativité, la grandeur de l’âme, la nécessité d’une patrie retrouvée dans une compassion nécessaire. Le desservant montait en chaire pour son sermon car le microphone n’existait pas.
Les offices étaient avant tout des moments privilégiés de reprise, de force morale et d’espérance. Les images sont simples et fortes. Beaucoup de soldats sont repartis au combat pour mourir la tête remplie de ces messages. A noter que quelque fois, les offices sont célébrés en plein air, dans les chapelles ou sur des autels provisoires, y compris dans les tranchées, nouvelle paroisse des soldats mais réservés uniquement aux combattants comme à Saint-Thomas, Ville-sur-Tourbe, La Haute Chevauchée, etc
Je me souviens d’un séminariste originaire de Vendée qui avait co-célébré la messe le matin et qui a été tué par un obus dans la cour de l’école des filles le soir. En marque d’affection, la population, avec ses camarades, avaient entouré sa tombe de sapins dans le cimetière militaire de Moiremont, route de Florent. A l’exhumation des corps en 1922, dans le cadre des regroupements des cimetières militaires, les sapins ont été replantés le long de la route et abattus en 1977 lors du remembrement. Beaucoup de monde ont pu les voir en ignorant le pourquoi.
Enfant, 4 choses m’avaient particulièrement choqué :
- Les mèches de cheveux que les soldats avaient sur eux dans des petites boîtes en fer blanc souvent cabossées.
- Le bruit des souliers cloutés dans l’église.
- L’épaisseur des capotes.
- La couleur de peau de certains soldats.
L’office n’était jamais sonné car il y avait des guetteurs dans le clocher. Par ailleurs, on ne communiait pas.
Dès le début de la guerre, comme beaucoup, mon père a été mobilisé. Il est mort en 1916 suite à des blessures. Ma mère, fort croyante, avait recopié des sermons, malheureusement la plupart ont été égarés ou détruits par le temps mais j’ai encore une partie de celui prononcé au tout début de la guerre, aux alentours de Noël 1914 par un aumônier. Le sermon était tiré d’un discours du père P. John Vienot. C’était beau à entendre.
</span>"Nous étions un pays divisé et nous voici tous unis dans la résistance à l’étranger. On parlait de notre égoïsme, de la lutte des classes, de la guerre sociale et voici que maintenant, dans toutes les classes, c’est à qui luttera le mieux d’efforts, de sacrifices et de dévouement. On parlait de notre alcoolisme, il a suffit d’un trait de plume pour supprimer l’absinthe et ses succédanés. On parlait de notre légèreté morale, elle n’était qu’à la surface. Il a suffit de la guerre pour faire rentrer dans l’ombre impure, d’où elle n’aurait jamais dû sortir toute cette littérature de roman et de journaux équivoques dont tout le monde aujourd’hui se passe si bien.
L’étranger parlait déjà de notre décadence et voici que sous le coup de l’épreuve apparait la vraie France, une France nouvelle pour nous, peut-être religieuse, morale, idéaliste, courageuse, prête à tous les sacrifices et à tous les dévouements pour que la patrie de demain soit non seulement la plus grande France mais aussi la plus noble, je veux dire votre France.
Voilà des faits, des faits devant lesquels encore une fois, des défaillances encore individuelles se perdent comme un lot d’immondices dans la mer immense et c’est sur ces faits déjà constatés que je m’appuie pour vous dire, en mêlant ici la parole chrétienne à la parole française : Ayez confiance. L’héroïsme, le sacrifice, votre sacrifice ne sera pas perdu.