Les étals de nos grandes surfaces regorgent de tout. C’est un véritable amoncellement de légumes et de fruits qui viennent du monde entier. Mais ce qui me choque le plus, c’est de voir des pommes du Chili ou autres pays lointains. Car des pommes, nous en avons !
Ma préférée est « la Reine des reinettes ». Pour moi, c’est la reine des pommes. Elle arrive à maturité vers la mi-septembre. Je l’attends toujours avec impatience. Quel plaisir de la cueillir sur l’arbre et de la savourer ! Elle est juteuse, sucrée, parfumée ! D’autant plus précieuse qu’elle a une durée de vie très courte car elle ne se conserve pas. Curieusement, en feuilletant des catalogues de pépiniéristes, je ne l’ai pas trouvée. Seule la reinette grise y figurait.
Une autre pomme parmi mes
préférées, c’est la « Réau », appelée ainsi dans la partie centrale de l’Argonne. Dans la région de Givry, elle prend le nom de « Bellerange » et dans les Ardennes de « Coquet ». Elle est appréciée surtout parce qu’elle est la pomme à tout faire et particulièrement la tarte. Contrairement à la reinette, elle se conserve au moins jusqu’à début mars.
La « Belle Fleur » porte bien son nom. Elle est souvent de belle taille. Si vous la frottez avec un chiffon doux, elle brille comme la pomme qui a été offerte à Blanche-Neige. C’est une pomme précoce mais qui se conserve mal et devient farineuse.
Parmi les pommes bien connues de notre région, il y a encore la « Jean Tondeur ». Pourquoi ce nom ? Mystère. C’est une pomme de taille moyenne qui reste bonne jusqu’en mars. Et puis aussi la « Reinette grise », la « Rambour d’été et d’hiver », la « Louiton » qui est la pomme à cidre par excellence, la « Couillon de coq », quel nom ! Sûrement parce qu’elle est de forme allongée et de petite taille. Elle a pratiquement disparu de nos vergers. Pourtant, elle ne pourrit pratiquement jamais, ce qui fait que les anciens la croquaient encore pour se rafraîchir au mois de mai pendant la fenaison. Une dernière pomme que je vais citer, la Pépin sonnant". Elle n’a rien de particulier mais son nom est amusant !
Il faut un éventail de couleurs très large et être un peintre bien habile pour retrouver la couleur d’une pomme. Elle peut être jaune foncé, jaune-orangé ou jaune-vert, striée de rouge sombre, de pourpre, de rouge framboise ou le contraire. Sa chair peut être faiblement sucrée, sucrée, juteuse, acidulée, parfumée
Tout l’hiver, avec les pommes on fait de succulents desserts. La galette bien sûr, rien à voir avec la galette des Rois. En Argonne, c’est ainsi que l’on appelle la tarte. On ne s’en lasse pas et chaque ménagère a son tour de main, son petit truc qu’elle garde secrètement. On fait aussi des beignets, des gâteaux, de la compote. Autrefois, on faisait aussi des pommes au four. On épluchait les pommes, on retirait l’intérieur et l’on mettait du beurre à la place, du sucre ou du miel et on les cuisait au four. On faisait également cuire des pommes avec leur peau. Desserts simples et pourtant délicieux dont on a oublié le goût.
J’ai retrouvé quelques recettes anciennes dans un recueil du folklore champenois :
La tarte aux pommes poivrées. La veille, on épluche les pommes et on les saupoudre
abondamment de poivre. On les dispose en couche épaisse sur la pâte, on recouvre d’une deuxième couche de pâte, puis on enfourne. Cette recette est donnée comme venant de Florent-en-Argonne. Autre recette bien de chez nous, les « Gomichons ». C’est une pomme enrobée dans de la pâte brisée et cuite au four. Il est bien recommandé de la laver mais de ne pas l’éplucher. Et aussi le « Tôt-fait ». Ce sont des pommes épluchées, coupées en quartiers, mélangées à une pâte faite de farine, d’un œuf, de sucre et de lait que l’on met dans une tourtière et que l’on fait cuire.
Quand la récolte était abondante, on faisait du cidre car on ramassait parfois plusieurs tonnes de pommes ! Des marchands venaient même en acheter ! Après avoir haché les pommes dans un broyeur, on les mettait dans le pressoir. Le jus qui en sortait était très bon. Il était mis en tonneaux et devenait du cidre. Tout l’hiver on en buvait aux repas et quand le tonneau était presque vide, le cidre n’était plus « qu’une horrible piquette » comme le disait Jean Ferrat dans sa chanson. « Il faisait grincer des dents et il fallait s’accrocher à la table pour le boire » comme disaient les anciens. Mais celui-ci est mis en bouteille et c’est une boisson très rafraichissante.
Pour bien conserver les pommes, il est recommandé de les entreposer dans des caissettes ou mieux des clayettes dans un cellier ou une remise, de veiller à la température, entre 8° et 12°, d’obstruer les sources lumineuses et d’aérer. Il faut également ne garder que des fruits sains.
Longtemps la pomme a été symbole de richesse, séduction et pouvoir. Il n’est donc pas étonnant qu’elle joue un rôle dans nombre d’histoires : le fruit défendu du paradis terrestre, la pomme de la discorde, la fatale pomme empoisonnée des contes, la pomme d’or conférant l’immortalité dans la mythologie grecque. Notre bon Saint Nicolas est souvent associé à la pomme. Le saint évêque est souvent représenté avec trois pommes d’or. Selon la légende, au temps de Noël, il traversait sous un déguisement la ville de Myre, et déposait des pommes et des noix dorées devant les chaumières des pauvres. Newton, physicien, astronome et philosophe anglais découvrit la loi universelle de la gravitation alors qu’il faisait la sieste sous un pommier et qu’une pomme lui est tombée sur la tête. Histoire vraie ou pas ? C’est ce qui est rapporté dans sa biographie. Nous connaissons tous l’histoire de Guillaume Tell, qui, avec son arbalète, tira et transperça la pomme placée sur la tête de son fils. « La grosse pomme » est en anglais « Big Apple » est le nom donné à New York. Et puis la pomme croquée, le logo d’Apple.
Le proverbe « une pomme par jour éloigne le médecin » est bien connu. La consommation de fruits et légumes exerce, en effet, une action préventive contre les fléaux de notre époque : maladies cardio-vasculaires, obésité, cancer, mais il est sûr que cette prévention n’est optimale que si les végétaux ont été cultivés sainement, sans produits chimiques. Or les pommes sont les fruits qui subissent le plus de traitements. Raison de plus pour manger des pommes d’assi nous.
Après les différents remembrements, beaucoup d’arbres fruitiers ont été abattus. Les pommiers ont mieux résisté que les cerisiers. Max Chaffaut, responsable du club nature et président de l’association Via les Vertes Voyes de Sainte-Ménehould va nous en donner l’explication.
Nicole Gérardot