Si la grande guerre a profondément marqué l’histoire de notre nation, elle a particulièrement touché la terre champenoise. Ainsi elle a englouti, sur un espace de 14 000 hectares, cinq villages et deux fermes, définitivement « rayés de la carte », là où s’est installé le camp militaire de Suippes. Seules subsistent quelques traces. Mais le souvenir des 5 villages disparus est maintenu car ils furent, après avoir été administrés par l’état, associés en 1950 à 5 villages rescapés, Tahure à Sommepy,
Ripont à Rouvroy, Perthes-les-Hurlus à Souain, Hurlus à Wargemoulin et Le Mesnil-les Hurlus à Minaucourt.
Par contre, la ferme de Beauséjour, située à quelques kilomètres du restaurant « Le Pont de Marson », rattachée à la Commune de Minaucourt n’a pas vu son nom pérennisé.
Avant la guerre, Beauséjour était à une simple ferme construite en 1825 le long du chemin reliant Minaucourt au Mesnil-les-Hurlus, par François Étienne BRACHET, originaire de ce village. Elle était bien nommée car elle se situait en un lieu accueillant et paisible, abrité du vent du nord par la croupe vallonnée qui descend de la « butte du Mesnil » et qui domine le ruisseau de Marson, aux eaux vives et claires. Le domaine s’étendait sur 600 hectares, implantés sur les communes de Minaucourt et de Mesnil-les-Hurlus. C’était une ferme moderne comportant bergerie, écuries, doté du matériel agricole récent. On y cultivait les céréales et les terres en jachère nourrissaient les nombreux moutons. A cela s’ajoutaient un potager et deux grands vergers, l’un derrière la ferme, et l’autre au-delà du ruisseau. Et puis on y recevait beaucoup, des citadins curieux et aussi des amoureux de la chasse.
En 1860, l’empereur Napoléon III décernait une médaille d’or pour récompenser le caractère exemplaire de cette nouvelle implantation.
La vie s’écoulait paisiblement à Beauséjour et plusieurs familles avaient rejoint le site qui comptait à l’entrée en guerre cinq bâtiments lui conférant la dénomination de hameau.
Et c’est la guerre 12 août 1914, mobilisation générale, 3 août, déclaration de la guerre ... 2 septembre 1914, il faut évacuer, car les échos de la bataille qui se rapprochent annoncent que les Uhlans arrivent. C’est l’invasion et c’est l’exode. La ferme est désertée.
Mais la retraite de la Marne est arrêtée le 14 septembre 1914, et les Allemands campent sur la ligne Souain, Perthes, Le Messin, Hurlus, Beau-Séjour, Massiges. Les combats reprennent, aux premières lueurs du jour, le 7ème régiment d’infanterie, en liaison à droite avec le Corps Colonial engagé sur Massiges, essayait à nouveau d’aborder le Marson. Mais la résistance ennemie s’était organisée. La crête du « Mont de Marson » à peine franchie, les sections de tête du 7ème RI étaient accueillies par une forte fusillade.
Compagnie par compagnie, les troupes françaises, alors qu’elles approchaient du ruisseau, fondaient sous le feu des mitrailleuses et des tirailleurs ennemis abrités dans les tranchées aménagées sur la croupe nord de Beauséjour. Les pertes devenaient sévères, l’attaque était arrêtée. Elle reprenait, de nuit, à 22 heures. Les éléments de quatre régiments y participaient. A nouveau pris sous le feu ennemi, les soldats français ne pouvaient franchir le Marson. Ils commençaient, à leur tour, à creuser le sol sur la rive sud du ruisseau. Ils étaient certainement loin de penser que les combats dans ce secteur de Beauséjour allaient durer quatre longues années.
La ferme sera reprise par les coloniaux, lors de violentes attaques le 26 septembre 1914. Des centaines de « marsouins » seront tués dans les affrontements. Le champ de bataille se rétablira à quelques mètres au-dessus de Beauséjour, face au nord.
Une nouvelle attaque débute le 20 décembre 1914, exécutée par des bataillons des 7ème, 22ème et 33ème R.I.C. La ligne de front progressera au fil des mois par actions de « grignotage », mais les Allemands avaient organisé et fortifié un lacis de tranchées sur la hauteur, à 1500 mètres au nord de cette ferme.
Cette position, formidablement protégée, à laquelle se heurteront les marsouins et fantassins le premier trimestre 1915 sera baptisée « Fortin de Beauséjour ». Ce bastion sera pris et repris 7 fois entre mi-février et mi-mars 1915. Il y règne une incessante guerre des mines souterraines, ainsi que plusieurs assauts à la baïonnette, clairon en tête, particulièrement meurtriers.
Les Allemands reculeront de cette position lors de l’offensive française du 25 septembre 1915.
Durant les premières attaques de septembre-décembre 1914, les
maisons et bâtiments du hameau seront mitraillés et bombardés quotidiennement. Seuls quelques pans de mur résisteront. Les violents bombardements du premier trimestre 1915 achèveront la destruction du paisible « Hameau de Beauséjour ». Il faudra attendre la grande offensive française de Champagne du 25 septembre 1915 pour que le secteur et la position du « Fortin de Beauséjour » soient enfin dégagés.
Dès le début de l’année 1915, le long de cette route, sur ce terrain établi en contre-pente par rapport aux arrivées d’obus et de mitrailles ennemies naîtront toutes sortes d’abris souterrains, de « cagnas », de postes de secours, de dépôts de matériel, de munitions, de cuisines, de postes de commandement et des cimetières. Un véritable village, percé de souterrains, qui s’étendra sur deux kilomètres le long du ruisseau Marson.