Mars 1995 : le dernier bâtiment du quartier Valmy a vécu et passe dans la main des démolisseurs. Le quartier Valmy avait été construit en 1884 sur le plateau des Chalaides : 24 écuries, un grand manège où évoluaient les cavaliers, de nombreux bâtiments (cuisine, infirmerie) le poste de garde à l’entrée monumentale, le tout entouré d’un mur de presque 1300 m de long. Et deux bâtiments où logeaient les cuirassiers.
Les casernes ont été occupées dès octobre
1886 par le 7ème régiment de cuirassiers ; puis ce fut le célèbre 6ème cuir qui a laissé bien des souvenirs. Après la Grande guerre, les cuirassiers partis, le quartier Valmy accueillit entre autres le 120ème train, ou plus récemment le quartier général de la pharmacie.
En 1968, le quartier fut délaissé, ce qui donna à la ville l’occasion de racheter l’ensemble. Il ne restait plus grand-chose, quelques écuries, les deux postes de garde, mais plus de grand manège, plus de carrière coupée par une route. Les deux grands bâtiments étaient toujours là et servirent de local à diverses associations.
Mais le manque d’entretien et la vétusté des lieux devenaient un danger réel pour tous. Le premier bâtiment fut rasé en 1980, en même temps que trois écuries. C’était celui de droite, là où fut implanté l’hôpital.
Le seul bâtiment restant, très imposant et de fière allure, comme son frère disparu, fut abandonné après le départ de « La boule argonnaise » et toutes les issues furent murées. Et par décision du conseil municipal, l’imposant bâtiment, devenu inutilisé et inutilisable, de surcroît dangereux, allait être démoli.
C’était en mars 1995. Les démolisseurs entrèrent en action, un travail difficile à cause des murs très épais et d’une armature en ferraille.
Les souvenirs disparaissent dans la concasseuse ou dans les camions qui transportaient les pierres. Des tas de bois, des grosses pierres qui avaient été les angles du bâtiment, des tonnes de pierres meulières et des briques ; et sur certaines de ces briques on pouvait lire des noms avec parfois des dates : les premiers graffitis de l’époque. Cent onze ans, c’était l’âge du bâtiment. On ne voyait que pierres réutilisables, qui pour un mur, qui pour un chemin, et personne ne pensait aux Cuirassiers. Après l’entraînement, les hommes rentraient dans le dortoir où les lits se touchaient presque. Une carte postale, un petit mot à la famille, là-bas, souvent loin en France, et puis le balai. Si les pierres avaient pu parler
John Jussy.