Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Les loups : (2ème partie)

   par Nicole Gérardot



Un autre vieux conte argonnais tiré lui aussi du livre « Contes rustiques et folklore d’Argonne » de l’abbé Lallement : Le loup-garou (les loups-garous étaient, selon d’anciens préjugés, tantôt des esprits malins travestis en loups, tantôt des hommes métamorphosés en loups)
Dans une cabane de garde-chasse, perdue au milieu de la forêt d’Argonne, vivait, il y a de nombreuses années, un pauvre ménage de bûcherons, Jean-Claude et Catherine, sa femme.
Un soir d’hiver, le vent faisait rage. Jean-Claude se reposait de ses fatigues, assis sous le manteau de la cheminée, tandis que Catherine remplissait d’eau le chaudron et s’apprêtait à faire des « grumées » pour le souper.
La bise soufflait toujours et secouait si fortement la porte du logis que celle-ci s’ouvrit tout à coup avec fracas. Jean Claude et Catherine tournent la tête de ce côté, mais quel n’est pas leur effroi ! Un loup énorme, les yeux brillants, se tenait sur le seuil de la porte.
Comment se débarrasser de cet hôte importun ? Soudain, l’idée lui vient d’aveugler et d’échauder le loup. Il montre du regard à Catherine la chaudronnée d’eau bouillante en criant d’une voix forte : « Catherine, jette, jette » L’animal cruellement échaudé s’enfuit dans la forêt en poussant des hurlements terribles. Ce soir-là, Jean Claude et Catherine se contentèrent d’un morceau de fromage passé et de pain de sarrasin qui étaient dans la huche.
Deux jours après, Jean Claude faisait des fagots dans une coupe quand il vit venir vers lui le loup échaudé. Grande fut sa terreur car il n’avait jamais vu un loup de cette taille. Ea ne pouvait être qu’un être surnaturel. Il monta lestement au sommet de l’arbre près duquel il travaillait. D’autres loups arrivèrent. Ils montèrent l’un après l’autre sur le loup échaudé. Le dernier allait atteindre la branche où se maintenait à grand-peine le malheureux boquillon. Se souvenant de ce qui lui avait si bien réussi dans sa chaumière, il cria de toutes ses forces : « Catherine, jette, jette » Aussitôt, le loup quitta le pied de l’arbre et s’enfuit tandis que les autres dégringolaient et le suivaient.
Délivré, le bûcheron regagna sa cabane où sa femme, bien inquiète, l’attendait.
Pendant la moisson, Jean Claude travaillait avec sa femme dans les champs. Catherine mettait en gerbes ce qu’il abattait avec sa faux. Les deux braves gens prenaient leur repas, assis à l’ombre d’un pommier. Tout à coup, le mauvais loup fut devant eux !
Comment lui échapper ? La pauvre Catherine, croyant sa dernière heure arrivée, tomba à genoux en recommandant son âme à Dieu et à la bonne Vierge. Profondément croyant lui aussi comme nos bons ancêtres, le bûcheron fit un large signe de croix et répéta la formule sacramentelle des ouvriers de la forêt : « Pour le Bon Dieu ! »
A peine s’était-il signé que le loup, poussant un cri horrible, s’évanouit comme par enchantement. Cette fois, Jean Claude et Catherine étaient délivrés pour jamais des poursuites du démon.
Nombreuses étaient les légendes qui évoquaient les maléfices du démon.
Un autre conte, intitulé « Glaude et le loup » évoque lui aussi une histoire avec un loup échaudé.

Dans mes recherches j’ai trouvé trois récits qui montrent bien que les loups étaient présents dans notre région.

Le 13 avril 1812, un loup énorme fut aperçu près du village de Somme-Bionne. Il traversoit un champ, où le sieur Thierry Nottret étoit occupé avec son fils à semer de l’orge. Ce cultivateur fit poursuivre le loup par son chien qui le terrassa. Dans cette position, l’intrépide Thierry saisit le loup par la queue ; mais l’animal, après avoir écarté le chien d’un coup de dent se relève et se sauve. Mais le cultivateur ne le lâche pas. Et les voilà tous les deux dans la rivière. Le loup veut grimper sur la rive opposée qui est un peu escarpée, et Thierry le retire par la queue dans la rivière et le fait boire malgré lui. Le fils arrive à qui il fait saisir la queue du loup. Ayant alors les deux mains libres, il prend l’une des oreilles de l’animal pour l’empêcher de mordre et de l’autre il prend son couteau et le plonge dans la gorge de cette bête redoutable. (Abbé L.Lallement, folklore et vieux souvenirs d’Argonne).

Autre récit, déjà publié dans notre revue par M.B.Janson, écrit par l’abbé J.Faquier, que je vais résumer.
Ce matin-là, la petite Eulalie Debar, âgée de 13 ans, fille de Ferdinand le sabotier de Minaucourt, se disposait à rendre visite à son oncle paternel au Mesnil-les-Hurlus. Comme la veille on avait tué le cochon, maman Aurélie avait préparé dans un panier la traditionnelle « charbonnée » qu’on offrait aux parents et aux voisins. La petite Eulalie avait été chargée de porter cela à son oncle.
C’était jour férié. La petite Eulalie se réjouissait d’aller voir son oncle et sa tante. Un peu plus d’une lieue séparait Minaucourt du Mesnil. La fillette fut vite arrivée. Elle fut invitée pour le repas. L’après-midi passa vite. Il fallait penser à repartir.
La voilà sur le chemin du retour. Elle se hâte comme si, inconsciemment, elle craignait un danger. La neige se met à tomber à gros flocons ce qui ralentit sa marche. Il lui fallait alors traverser un grand bois de sapins. La nature lui parut tout à coup hostile. Elle avançait péniblement dans la neige. Soudain, elle se retourna et fut glacée d’effroi : un loup, un grand loup solitaire était derrière elle, il la suivait.
Que faire ? Lalie se rendit compte que le loup ne se précipitait pas sur elle. Il lui fallait donc marcher jusqu’au bout sans fléchir. Quand elle se retournait furtivement, le loup s’arrêtait. La bête était là, silencieuse, guettant sans doute sa proie au moindre signe de défaillance. Elle entendit l’angélus du soir en arrivant au chemin creux qui descend au village. Le loup était resté sur la crête, en haut de la côte, n’osant pas aller plus avant, à moins qu’il ne fut arrêté par une main mystérieuse.
Avec quel soulagement, Lalie rentra chez elle et alla se jeter dans les bras de ses parents.

Le troisième récit, je l’ai trouvé dans le livre dans le livre écrit par M. Alexis en 1977 et intitulé : « Givry-en-Argonne et ses environs »
Givry et ses environs terrorisés par une bête féroce. Un fait sensationnel souleva une vive émotion dans la contrée au cours de l’été 1765 puisque le subdélégué de Sainte-Ménehould en avisa le l’intendant de Champagne qui en avertit le contrôleur général qui lui-même en fit part au roi Louis XV.
A 3 heures du soir, un animal, poil rouge, de la grosseur d’un chien, la queue fort longue et rousse, s’est jeté sur un jeune garçon, nommé Facquenel, l’a éventré, déchiré une jambe et enlevé la peau de la tête et du visage ; il a été enterré dans les 24 heures.
Le même animal, au Châtelier qui n’est qu’à un quart de lieue de Givry, a attaqué quatre jeunes garçons dont deux sont actuellement à l’extrémité et les deux autres bien blessés. Enfin, à 9 heures du soir, le sieur Pérardel, chirurgien d’Epense, a été attaqué par l’animal qui s’est jeté d’abord sur son cheval. On prétend que deux autres bêtes ont été vues. Les uns soupçonnent que ce sont des loups, d’autres plus vraisemblablement que ce sont des loups-cerviers (lynx).
Des battues ont été organisées, mais ne donnèrent aucun résultat. Pourtant la bête continuait à terroriser la région. Ayant rencontré 7 femmes qui venaient du bois, le fagot sur la tête, elle les a approchées ; la septième jeta son fagot et avec son bâton menaça la bête qui se mit sur son « cul » en hurlant. Mais la femme ayant tenu ferme, le loup rentra dans les bois. Les six autres femmes qui s’étaient sauvées en abandonnant leurs fagots revinrent les chercher.
Le berger de St-Mard-sur-le-Mont, ayant été attaqué, s’est sauvé sans accident. La bête n’a rien fait au troupeau. Un autre jour, deux employés du poste de Nettancourt, étant dans les bois de Monthiers, ont vu deux bêtes sans les tirer. Ils étaient montés dans un arbre.
Le 18 juillet, à Monthiers, le cuisinier des religieux, son frère et un homme de moisson, ont été attaqués à 5 heures du soir. Ce dernier a été si fort blessé qu’il en est mort. Un cavalier de Nettancourt assure l’avoir rencontrée la nuit entre Givry et le Châtelier, mais qu’elle ne lui a fait aucun mal.
Enfin le 16 août, cet animal extraordinaire, entré dans une étable, était tout de même abattu.
Le subdélégué en fit envoyer la peau et deux pattes au Roi. Pendant longtemps, certainement à la veillée, on parla de cette bête qui avait effrayé toute la région.

Le loup est très présent également dans le folklore ardennais.
Lit-on encore le Petit Chaperon rouge ou les trois petits cochons aux enfants ? Les écoliers apprennent-ils encore la mort du loup d’Alfred de Vigny ou le loup et l’agneau, le loup et le chien ou autres fables de la Fontaine, est-ce qu’on entend encore chanter dans les cours de récréation : « Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas ? »

Nicole Gérardot

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