Si l’eau est indispensable à la vie, elle peut également apporter grâce à ses propriétés (chimiques, physiques, thermodynamiques) des vertus reconnues bienfaisantes, thérapeutiques. Et certaines de ces sources où l’inexplicable guérison est survenue, sont devenues miraculeuses. En France, la plus illustre source guérisseuse est celle de Lourdes. Des régions sont plus attachées à cette dévotion des fontaines comme la Bretagne, le Quercy, la Bourgogne, les Landes, la Lorraine, le Béarn, le Limousin. En Argonne, les sources sont partout. Et donc, il en existe quelques-unes dédiées, notamment en Argonne champenoise. Selon les auteurs, les fontaines peuvent se classer [1] en fontaine à action préventive, à action thérapeutique et à action oraculaire.
Le culte et la vénération entourant les sources et les fontaines remontent à la préhistoire. Celtes, Gaulois et Gallo-Romains apportent leurs rituels notamment par des offrandes, des incantations à l’intention des divinités, des dépôts votifs. Les Gaulois vénèrent ces lieux par l’idée de vie et de bienfaits qu’elles procurent. La plus illustre vénération liée à l’eau par les Gaulois est celle de la Déesse Sequana où le culte est pratiqué dans un des vallons où s’écoule l’une des sources de la Seine. L’Eglise catholique s’empresse de christianiser ces lieux et de les dédier à une sainte ou un saint, devenant ainsi des fontaines de dévotion. Comme le note Brigitte Caulier [2], la statue du saint devient « le principal objet, après l’eau, dans les pèlerinages, car elle favorise l’identification du thérapeute en l’humanisant et permet ainsi une communication très directe ». La liturgie (pèlerinage, procession, messe, fête votive) est imposée, établissant mêmes des fontinales ou dimanche des fontaines [3]. Les conciles d’Auxerre en 585 et d’Aix-la-Chapelle en 789 s’emploient à mettre un terme à la sacralisation des lieux naturels.
Pour Yves Desmet, « Il est presque toujours impossible de déterminer si c’est le saint qui a fait la source guérisseuse, ou si c’est la source qui a fait le saint guérisseur. Le lieu de séjour d’un ermite, par exemple, implique l’existence d’un point d’eau à proximité pour son approvisionnement quotidien. Après la mort de cet ermite, ce point d’eau fonctionne alors pour les pèlerins comme une sorte de relique permanente [4] », à l’image du site de Saint-Rouin.
Ces sources sont protégées des souillures par un ouvrage maçonné. Parfois, un bassin permet de puiser l’eau plus facilement. Une niche est créée pour recevoir la statue de la sainte ou du saint. Les sources ainsi aménagées deviennent des fontaines.

La fontaine Sainte-Geneviève ou fontaine Jolie, à proximité se trouve la Chapelle Sainte-Geneviève. Ici, on priait pour les enfants malades. Un bel endroit que l’on découvre en longeant le chemin de grande randonnée, GR14b entre Châtrices et Villers-en-Argonne.
La fontaine Saint-Claude au Chemin. L’eau de cette fontaine était censée guérir les fièvres et les plaies. Elle est située à proximité du lavoir et d’un étang. C’est un site bien entretenu et agréable.
La fontaine Saint-Méen à Florent-en-Argonne. Cette fontaine est édifiée [5] par Monsieur Bourée en remerciement suite à son pèlerinage à Attigny en 1854 d’où il revient guéri d’une maladie de la peau. L’édicule est restauré en 1913 par Monsieur Carré-Bourgeois atteint de la même maladie et guérit au terme d’une neuvaine sur ce site. Saint-Méen était un saint guérisseur à qui on attribue les guérisons des maladies de la peau. Des expressions comme « les demoiselles de
Saint-Méen » désignaient une personne atteinte de gale et du « mal de Saint-Méen » une forme de lèpre. L’hygiène n’ayant pas toujours été la préoccupation première, des ablutions réalisées à l’eau « pure » à ces fontaines apportaient sans doute un soulagement.
La fontaine de Côte à Vignes à La Neuville-au-Pont. Selon la légende, face aux gens assoifés, Ménehould fit jaillir l’eau en piquant la terre avec son fuseau.
La fontaine des Bons Malades à Sainte-Ménehould, route de Chaudefontaine, en face du stade municipal. A une époque où les marais cernaient Sainte-Ménehould, l’eau n’était pas forcément propre à la consommation. Située un peu plus en hauteur, cette source devait procurer une eau limpide appréciable. Comme l’indique le panneau d’information, les habitants allaient chercher leur eau à cette fontaine jusque dans les « années 50 ». Envahie par la végétation, elle est dégagée et la maçonnerie est restaurée par des membres du Lions Club [6] dans les « années 2000 ». Aujourd’hui, La fontaine des Bons Malades est accessible par une allée entre deux propriétés. Un panneau d’indication serait le bienvenu pour nous amener vers cette fontaine.
La fontaine Saint-Didier à Verrières. Cet ouvrage est situé derrière l’église, le long du ru traversant le village. Selon la légende [7], sous le règne de Saint Louis, mécontents d’une forte gelée sur les vignes et accusant le saint patron de ne pas les avoir protégées, les habitants de Verrières trempèrent la statue du saint dans l’eau de cette source en guise de représailles.
Sur ces lieux où recèle une croyance, un mystère, une légende, ce patrimoine isolé, garde tout son charme méritant d’être protégé et entretenu.
Dans le n°73 du Petit Journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne, un article est édité sur le même sujet de Nicole Gérardot, « Fontaines et pèlerinages d’autrefois ».
Jean-Louis Le Hingrat
Notes
[2] Brigitte Caulier, L’Eau et le Sacré, les cultes thérapeutiques autour des fontaines en France du Moyen Ege à nos jours, Beauchesne, Presses de l’université Laval
[3] Abbé Louis Lallement, Folklore et vieux souvenirs d’Argonne, arrondissement de Sainte-Ménehould, Le livre d’histoire, monographie des villes et villages de France, collection dirigée par M-G Micberth, 2005
[4] Yves Desmet, Le culte des eaux dans le Nord de la Gaule pendant le haut Moyen Age, Revue du Nord, Année 1998, p. 7-27
[5] Abbé Louis Lallement, Folklore et vieux souvenirs d’Argonne, arrondissement de Sainte-Ménehould, Le livre d’histoire, monographie des villes et villages de France, collection dirigée par M-G Micberth, 2005
[6] Michel Lebègue, La fontaine des « Bons Malades », Le Petit Journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne, février 2007
[7] Denis Marquet, la légende de Saint Didier, Le Petit Journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne, octobre 1999
- Fontaines miraculeuses en Beaujolais, Académie de Villefranche
- Maryse Marsailly, L’art en Gaule, culte des sources et piété en Gaule Romaine