Le jeu de l’oie est un jeu où on déplace des pions de case en case, un jeu ancien toujours à la mode. Mais le « jeu de l’oie » était aussi un jeu d’adresse appelé aussi « le tirage de l’oie ». Il fallait, avec un
sabre, trancher ou essayer de trancher la tête d’une oie pendue àune corde Bien sûr la pauvre bête devait recevoir bien des coups avant d’être tuée.
De plus, au XVIIe siècle, les jeunes étaient à cheval et, au galop, ils brandissaient leur sabre pour couper la tête de l’oie. Plus tard, les participants étaient à pied mais les yeux bandés et étaient déguisés car ce jeu de l’oie se déroulait le lundi gras, pendant le carnaval. Le vainqueur plaçait son trophée au bout de son sabre, parcourait la ville et se retrouvait à l’auberge avec les participants pour de joyeuses agapes.
Au XVIIe siècle, c’est la compagnie de la jeunesse qui organisait ces fêtes. Les oies (ou le canard) était fourni par les fermes des alentours et, nous dit Buirette, en récompense d’un acte de courage.
Des Lorrains avaient pillé les fermes de Gergeau, des Marécages et de Bignipont, et avaient capturé les vaches et les moutons qui paissaient dans la prairie de la ville. Aussitôt informée, la compagnie de la jeunesse sortit à cheval et en armes pour aller affronter les pilleurs. L’escarmouche fut brève et les Lorrains durent s’enfuir en laissant leurs prises qui furent rendues aux propriétaires.
En remerciement, les trois fermes s’engagèrent à fournir les oies chaque lundi gras aux jeunes de la ville.
Ce lundi gras, donc, les jeunes gens à cheval, portant les oies accrochées à leurs selles se promènent dans la ville et se rendent sur la place publique. Là, en présence d’une foule nombreuse,
on accroche les oies et les jeunes galopent vers l’animal pour essayer d’en couper la tête avec leur sabre. Ceux qui réussissent sont applaudis, les autres sont hués. Et tout se terminait par un banquet.
Pour atténuer ce jeu barbare, les jeunes donnaient oies et canard aux prisonniers de la prison municipale. Des étrangers ayant assisté à ces jeux trouvaient cela barbare ; et pourtant ce jeu de l’oie était, dit-on, également pratiqué en Autriche et même à Bruxelles où le duc de Lorraine y participait en personne. Pour comprendre, disons que ce jeu de l’oie était aussi pratiqué pendant la durée du carnaval, période pendant laquelle les excès étaient, ou sont parfois chose courante.
Sur internet, le « jeu de l’oie » comme décrit ci-dessus n’existe pas. Par contre, si on tape « le tir à l’oie », on peut lire un grand article. Dans les villages ce jeu était pratiqué soit le mardi qui suivait la fête patronale, soit le jour de la Toussaint, et toujours avec un vieux sabre ou un bâton. Et la fin de l’article nous réserve une surprise : les pages du livre de Buirette (notre historien local) y sont intégralement reproduites.
Le tirage de l’oie a peu à peu disparu mais Baillon nous dit aussi que ce jeu était encore pratiqué en 1900 à Moiremont (Voir article ci-dessous) et à Passavant.
La course au canard.
Tout cela m’a rappelé un jeu qui était pratiqué à Sainte-Ménehould dans les années 50. Cela se passait dans la rivière, près du jard, où la hauteur d’eau ne dépasse pas la ceinture.
On lançait un canard, les jeunes sautaient à l’eau, cernaient l’animal, tendaient la main mais le volatile arrivait désespérément à voler quelques mètres avant de retomber sur un autre groupe de jeunes. Les adultes s’amusaient à regarder depuis le parapet du pont et le gamin qui avait attrapé le canard pouvait l’emmener chez lui pour le manger, bonne chose à une époque où la viande était plutôt rare.
Une fois, un canard est entré dans un égout qui amène les eaux usées à la rivière ; on ne l’a jamais revu. Ce jeu, si j’ai bonne mémoire, car j’y ai participé, s’est arrêté quand un participant s’est coupé le pied avec un morceau de bouteille.
Les seniors qui se souviendraient de ce jeu peuvent nous contacter.
En mars1950, les élèves de l’école de Moiremont racontent le jeu de l’oie dans les pages d’un livret consacré à la vie du village :
Carnaval argonnais :
Les réjouissances de Mardi gras de Moiremont étaient autrefois célèbres dans toute la région. Le lundi gras est journée de début ; il est marqué par le « tir à l’oie », cruelle habitude qui est disparue aujourd’hui. Aux angles des maisons qui forment les coins de la rue principale du village, une forte corde a été attachée ; en son milieu, suspendue la tête en bas, est une oie préalablement tuée (à une date plus reculée, le malheureux oiseau était vivant ; des mesures de protection ont exigé, et avec raison, qu’on le tuât auparavant afin qu’il n’eût pas à souffrir d’une agonie prolongée). Sur la place, face à la corde, sont groupés les jeunes gens déguisés, tous montés sur des chevaux ; à droite et à gauche, dans la rue donnant accès à la place, d’innombrables curieux attendent les péripéties du tir. Le signal en est donné, les « masques » se bandent mutuellement les yeux, s’arment chacun d’un vieux sabre et, au lourd galop de leurs montures, se dirigent à tour de rôle vers l’oiseau, guidés simplement par l’expression cent fois répétée : « il brûle ! il brûle ! » lancée à haute voix par la majorité de la population et signifiant qu’un cavalier est tout à proximité de l’oie ; à ce moment précis, il lance un formidable coup de sabre destiné à trancher le cou de la bête ; le plus souvent, la lame ne rencontre que le vide et l’élan donné manque de désarçonner le jouteur novice, ce qui excite les rires moqueurs des spectateurs ; parfois aussi, le sabre touche violemment le corps de l’oiseau, les plumes s’envolent, les chairs s’entrouvrent, le sang coule, le spectacle devient repoussant. Enfin, après bien des échecs, un « masque » plus chanceux parvient à trancher la tête de l’oie. Des acclamations saluent le vainqueur, on lui débande les yeux, il place son trophée à la pointe de son sabre, prend le commandement de la cavalerie bariolée qui s’ébranle lentement et se met à parcourir tout le village. Derrière elle s’acheminent pédestrement de joyeux quêteurs, pénétrant dans les maisons et recevant indistinctement : farine, œufs, saucisses, menue monnaie, toutes choses qui sont les bienvenues pour l’organisation du « déjeuner de l’oie », encore appelé « déjeuner du Mardi gras ».
John Jussy