Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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LOUIS XVI trahit par une envie pressante.

   par John Jussy, Luc Delemotte (dessin)



C’est sans doute une énigme de l’histoire : que s’est-il passé au relais de poste de Sainte-Ménehould ? Les versions divergent : Drouet reconnaît le roi, Drouet était aux champs, Drouet a des soupçons Une nouvelle version : Louis XVI avait envie de pipi  !

20 juin 1791, aux environs de 20h : des dragons sont en ville pour attendre les voitures royales. Les deux voitures en fuite ont déjà relayé à Orbeval et arrivent au relais de poste de Sainte-Ménehould. Le maître de poste, c’est Jean-Baptiste Drouet, un solide gaillard qui a été dragon au régiment de Condé. Mais où est-il ? Une version dit qu’il était aux champs et qu’il est arrivé quand les voitures étaient reparties. La version la plus répandue est celle de Drouet reconnaissant le roi en voyant son effigie sur une pièce de monnaie, ou sur un assignat, suivant les textes
On peut lire, dans le journal « Le Temps » du 2 août 1902, une version bien originale : l’article très long, qui fait partie des « Chroniques de petite histoire » est signé de Georges Lenôtre, célèbre historien :
« Drouet revenait avec deux chevaux d’une pièce de terre située au lieu-dit »La Malassise" quand il vit relayant devant la maison de poste, une grosse berline qu’entouraient un certain nombre de curieux et de dragons cantonnés depuis la veille à Sainte-Ménehould.
Comment les choses se passèrent-elles dans la réalité ? Les documents les plus authentiques ne sont pas d’accord sur les détails ; je m’arrêterai volontiers à la version la moins admise, peut-être parce qu’elle est la plus vulgaire : Drouet ne donna aucune attention à la voiture, il en voyait tant devant sa porte ! Il rentra ses chevaux à l’écurie et tandis qu’il leur passait le licol, un gros homme, vêtu simplement, occupé à satisfaire un besoin naturel dans un coin sombre de l’écurie, l’interpella familièrement. Drouet répondit aux questions que lui posa l’étranger, puis il continua sa besogne. Quand il sortit de l’écurie, la berline s’éloignait par la porte des Bois. Les dragons repoussaient brutalement les curieux ; des discussions assez vives étaient échangées entre bourgeois et militaires la remarque « qu’on n’en ferait pas plus si c’était le roi » fût-elle formulée par quelque assistant ? L’idée vint spontanément à Drouet que le gros bonhomme auquel il avait parlé était Louis XVI, qu’il n’avait jamais vu auparavant. Toujours est-il qu’il demanda à un de ses camarades nommé Farcy si le roi n’avait pas le nez long et large au bout.
On sait comment à neuf heures et demie du soir, Drouet s’élançait à cheval à la poursuite des fugitifs."


Voilà donc un roi avec une envie pressante ; il y avait bien dans la voiture construite spécialement pour le voyage un pot de chambre en cuir, mais, et cela a été dit au procès du roi, seul Louis XVI avait le roi de descendre de la berline pour « lâcher les eaux ». Un roi ne fait pas pipi devant sa famille.

- Eh ! Halda, ça pressait four !
- Eu v’là, une saprée glouille !...



Dans son livre « le Drame de Varennes » paru en 1905, Georges Lenôtre ne parle pas du roi dans l’écurie. Il écrit, page 76 dans l’édition originale :
« Le maître de poste Drouet, qui rentrait des champs, jeta, comme les autres, son coup d’œil, considéra la lourdeur de la berline et recommanda aux postillons de ne pas crever les chevaux. La voiture partait ; on apercevait son dôme énorme de bagages s’éloignant dans la rue de la Porte-des-Bois quand le bruit se répandit qu’elle contenait la famille royale. »
De plus, Georges Lenôtre ne croit pas à l’histoire de l’assignat.
« Le fait de Drouet reconnaissant le roi dans la berline en comparant son visage avec la vignette d’un assignat reçu en paiement de la main même de Louis XVI est évidemment une invention qui ne germa que plus tard dans l’imagination du maître de poste. »
Pourquoi Georges Lenôtre a-t-il écrit cette histoire de roi qui fait pipi ? A-t-il recueilli plus de cent ans après les évènements des témoignages, des histoires que l’on se racontait à la veillée ? Reconnaissons quand même que si les fuyards n’avaient pas pris autant de retard au cours du voyage, Louis XVI aurait pu se soulager à destination.

Dommage ! Cette histoire du roi qui urine dans l’écurie de Drouet aurait été formidable pour l’Histoire de France : la royauté abolie, Valmy, Napoléon, tout ça pour une vessie royale qui démange !

Georges Lenôtre : 1855-1935.
Théodore Gosselin est le vrai nom de Georges Lenôtre, qui avait choisi ce pseudonyme en hommage à son arrière-grand-père, jardinier de Louis XIV. Georges Lenôtre, historien, auteur dramatique, collaborait aux journaux « Le Figaro », « Le Monde illustré », « Le Temps » (notre référence). Il a écrit de nombreux romans et des pièces de théâtre dont une, nommée « Varennes ». Il sera élu en 1932 à l’Académie française.



John Jussy

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