Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


Enregistrer au format PDF :Version Pdf


Version imprimable de cet article Version imprimable **




Lèpre ou covid ? même combat.

Ménehould, et les maladies infectieuses.

   par John Jussy



L’histoire est un éternel recommencement, dit-on Aujourd’hui, la pandémie du covid nous oblige à respecter quelques règles. Il y a bien longtemps, c’était la lèpre avec des « terribles défenses légales ». Et les similitudes sont nombreuses.

Alexander Assier a, dans son livre « Légendes, curiosités et traditions de la Champagne » (1850), consacré quelques pages à la peste. Le curé de l’époque s’adressait aux lépreux en les consolant : « Soyez sans inquiétude, les gens de bien pourvoiront à toutes vos petites nécessités, et Dieu, qui veille sur les petits oiseaux, ne vous délaissera pas ».
La lèpre est une maladie chronique due à une bactérie et qui se transmet par les postillons d’un malade, par le contact avec une plaie ou simplement de personne à personne. Cette maladie a, dit-on, été ramenée par les chevaliers revenant de croisade, mais elle était déjà arrivée bien avant par les échanges commerciaux. Les voyages ! Voici le mot et en 563, le concile de Lyon interdisait aux lépreux de voyager.
Au Moyen-Ege, la lèpre se répandait facilement à cause des maisons souvent insalubres, mal aérées, des immondices que l’on jetait au bord des chemins, des animaux qui vivaient dans la maison. De plus, la coutume de l’hospitalité était de garder une place à table pour un passant, même inconnu Encore les déplacements.
Les terribles défenses légales imposées aux lépreux par le curé étaient au nombre de 12 :
1- Je te défends d’entrer jamais dans une église, d’aller à la foire, au moulin et de te trouver en compagnie de gens. C’est ce que l’on peut appeler le confinement.
2- Je te défends de sortir hors de ta maison sans ton habit de ladre, afin qu’on te connaisse et qu’on puisse s’éloigner.
3- Je te défends de laver les mains ou autre chose de toi, et même de boire dans une fontaine ou dans un ruisseau ; si tu veux boire, puise de l’eau dans ton baril ou dans ton écuelle.
4- Je te défends de toucher aux choses que tu marchandes ou que tu achètes, avant qu’elles t’appartiennent. Aujourd’hui on écrit : objet touché, objet acheté.
5- Je te défends d’entrer dans une taverne. Quand les restaurants et les cafés sont fermés, cela est plus simple.
6- Je te défends d’habiter avec une autre femme que la tienne.
7- Je te défends, si tu vas sur les chemins, si tu rencontres une personne qui te parle, de te mettre au-dessus du vent avant de répondre. En l’absence de masque, le lépreux ne devait pas se positionner avec le vent dans le dos. Pourquoi n’avaient-ils pas de masque ?
8- Je te défends d’aller dans les ruelles étroites, de peur que quelqu’un ne te rencontre et ne soit atteint de la lèpre.
9- Je te défends, partout où tu passeras, de toucher ni au puits ni à la corde, sans avoir tes gants.
10- Je te défends de toucher les enfants et de leur donner quelque chose.
11- Je te défends de boire et de manger dans d’autres vaisseaux que ceux qui t’appartiennent.
Le mot vaisseau désignait en vieux français toute sorte de récipient.
12- Je te défends de boire et de manger avec compagnie, sinon avec des lépreux. 6 à table à Noël.

Le lépreux recevait une cliquette ou une crécelle pour signaler son passage, une housse, un habit, un baril pour recevoir la boisson donnée par des gens, des gants et une panetière pour recevoir des aliments.
Puis le prêtre introduisait le lépreux dans sa cellule

Et l’on pourrait en tirer cette idée : si vous n’avez pas de masque et si vous rencontrez quelqu’un dans la rue, mettez-vous, pour lui parler, avec le vent (s’il y en a ) dans le dos, et tant pis pour celui qui est en face de vous.

La ferme de la Haute maison, ancienne léproserie.
A Sainte-Ménehould, la ferme de la Haute maison est située sur l’emplacement d’une ancienne léproserie, une ferme qui doit son nom à sa position sur une hauteur. Les gens de la léproserie allaient puiser une « eau pure et salutaire » à une fontaine située au-dessous du plateau, la fontaine des Bons malades. Cette fontaine qui ne tarit jamais est la dernière des fontaines à l’époque extérieures à la ville encore en bon état.
La léproserie a été fermée en 1589, à l’époque où l’épidémie déclinait ; plusieurs raisons à cela, dont le bien-être des habitants de ce siècle, la renaissance, François Ier, les châteaux de la Loire. (A lire ; Baillon, page 303).

Ménehould, invoquée pour les maladies infectieuses



On dit que dans d’anciennes litanies de saints, le nom de Ménehould était invoqué immédiatement après celui de saint Roch contre les maladies contagieuses. On lit aussi (articles internet) qu’avant saint Roch, c’est saint Sébastien qui était invoqué contre les maladies dont la peste. Mais de Ménehould, pas de trace dans ces écrits.
Saint Roch de Montpellier est un pèlerin du XIVe siècle. En allant à Rome, il s’arrêta à Cesens (Italie) où la peste noire sévissait. Il guérit de nombreux malades mais attrapa lui aussi la maladie.
Saint Sébastien est un martyr romain de Narbonne ; victime de la persécution de l’empereur Dioclétien, il fut criblé de flèches puis de coups de verge. C’est donc le patron des archers. Mais quel rapport avec des maladies ? Au XIIIe siècle, la peste sévissait à Pavie (Italie). Un ange apparut et dit que si un autel était dédié à saint Sébastien, la maladie disparaîtrait, ce qui arriva.

Des épidémies, l’Argonne en a connu beaucoup : peste, lèpre, choléra, typhus
Au Ve siècle, Sigmar, le seigneur du lieu fit venir sa fille Ménehould qui vivait avec ses six sœurs au château de Perthes. On dit que cette fille pieuse et charitable, fit usage de toute sa science pour venir au secours des malades, et qu’elle parvint par ses soins et ses prières à détourner le fléau qui désolait la ville. (Livret souvenirs historiques de sainte Ménehould, 1866)
.
On saura aussi que Ménehould avait appris au cours de son éducation l’usage des plantes médicinales. Tout cela est représenté sur les vitraux des églises, à Saint-Charles, à la chapelle de l’ancien hôpital, à l’église du château et même à Bienville-sur-Marne, là où elle mourut en l’an 499 ou 500.
Sur les dessins, Ménehould soigne les malades, accompagnée d’une servante, sans les protections nécessaires, on s’en doute, mais la future sainte n’a jamais été contaminée par la maladie.
Ménehould aurait aussi créé, avec l’argent des juifs convertis et bannis de Châlons, l’hôpital de Sainte-Ménehould, un des plus anciens de France.
Peut-on considérer Ménehould comme une des premières « blouses blanches » de l’Histoire.
John Jussy

Répondre à cet article


-Nombre de fois où cet article a été vu -
- -
Sainte-Ménehould et ses voisins d'Argonne
Association déclarée le 06 février 1998
Siège social : Hôtel de ville
B.P. 97- 51801 Sainte-Ménehould