C’est une île, une petite île située tout au nord de l’Alaska, dans le détroit de Béring qui sépare
le continent américain de la Russie. De forme triangulaire, elle mesure 2,3 km de long sur 200 m de large avec une altitude maximum de 68 m. C’est une réserve naturelle depuis 1922. Seuls des Iñupiat, les habitants de ces régions froides viennent parfois y chercher des œufs, car les oiseaux sont nombreux. On voit parfois un renard, et au large des morses, des phoques et des baleines. Du sable, une couverture de toundra, des tourbières marécageuses, voilà ce qui forme avec l’île Macareux et quelques îlots ce qui est appelé « Aire protégée du désert de Chamisso ».
Nommée « Chamisso Island », l’île fait partie de l’Alaska et appartient donc aux Etats-Unis. Chamisso l’a découverte pendant son voyage autour du monde et son nom lui a été donné. Un Argonnais a donc une île, un Argonnais de naissance cependant, car Chamisso n’a vécu en Argonne que dans sa première jeunesse.
Louis-Charles Adélaïde Chamisso de Boncourt était né au château de Boncourt à Ante. En 1790, craignant les tumultes de la révolution, la famille, (les parents et les sept enfants), s’exile en Allemagne où le gamin de 10 ans trouvera une seconde patrie. Avec le nouveau prénom de Adelbert, Chamisso s’installera à Berlin et deviendra écrivain, poète, botaniste et explorateur.
A bord du Rurick, un voilier à deux mats, accompagné de quatre scientifiques dont un botaniste, Chamisso va partir pour 3 ans, de 1815 à 1818, sillonner le monde. Le capitaine Otto von Kotzebue [1] verra son nom attribué à un détroit maritime et à une ville [2]. Les guerres de Napoléon sont terminées, Waterloo (15 juin 1815) a marqué la fin de l’ère napoléonienne et les expéditions peuvent reprendre. Un des buts du voyage dans le nord est de trouver le « passage du nord-ouest » entre les continents. Chamisso ira en Amérique du sud puis dans le grand nord, dans cette région où il va trouver « son île » en 1816.
Pourquoi cette île qui avait peut-être déjà un nom, se nomme-t-elle aujourd’hui « Chamisso » ? Est-ce l’explorateur lui-même qui lui a donné ce nom ou cela s’est-il fait dans les années qui ont suivi ? Il est écrit « a été nommée d’après le naturaliste Chamisso ». Peu importe, il existe aujourd’hui « Chamisso Island ». Dommage que l’on ne puisse pas y aller en vacances
Chamissso raconte ses premiers pas sur l’île :
"Le 27 juillet nous mîmes le cap sur la terre qui nous apparut sous un très gai soleil, au fur et à mesure qu’à son approche nous nous arrachions à la chape de brume de mer. On équipa deux canots pour débarquer.
Je grimpai seul et sans souci les contreforts rocheux du rivage et je me mis à botaniser Rarement herborisation m’a autant déconcerté et mis en joie. C’était la flore de chez nous, la flore des hautes Alpes, de notre Suisse à la limite des neiges, avec toute la richesse, toute la plénitude et toute la splendeur de ses plantes naines accrochées au sol, auxquelles ne s’associent harmonieusement que quelques plantes apparentées, propres au lieu."
Chamisso a rencontré les habitants du grand nord : « Le 29 nous étions en vue du cap nord de l’île, un promontoire rocheux, escarpé, auquel se raccrochait un creux de terrain où apparurent les yourtes indigènes, pareilles à des taupinières, entourées par les greniers suspendus où l’on conserve tout ce qui doit être tenu hors de portée des chiens. Trois baïdares s’élancèrent aussitôt du rivage, chacune avec environ dix hommes à bord qui, avant de pagayer vers le navire, exécutèrent des rites religieux ! »
Chamisso est étonné par les coutumes des habitants, « enduits d’huile de poisson », qui vivent dans des tentes de peaux de phoque ou de morse, qui disent bonjour en se frottant le nez. Les habitants sont amicaux et le troc peut commencer : la kamlaïka, vêtement qui protège de la pluie et du froid, est échangé contre des couteaux ou quelques feuilles de tabac.
Pendant ce voyage d’exploration, Chamisso était géographe, géologue, météorologue, botaniste, zoologue, linguiste, ethnologue !... Chamisso a à son actif 2966 descriptions de plantes. Il a classé le pavot de Californie « Eschscholzia California » en l’honneur de Johann Friedrich Von Eschscholtz, botaniste, qui participait avec lui au voyage sur la Rurik.
John Jussy
A lire :
- Chamissso, actes des journées franco-allemandes des 30 et 31 mai 1981. Livre disponible à l’office de tourisme de Sainte-Ménehould.
- Adelbert von Chamisso par Peter Lahnstein, 1987.