Le 10 mai 1917, un avion allemand était descendu par l’adjudant Jean Casale, dont c’était la huitième victoire et le sergent Legendre qui remportait son premier succès. Tous deux étaient en patrouille à très haute altitude lorsqu’ils aperçurent l’avion ennemi. Une balle bien placée dans le moteur le stoppa, d’autres blessèrent le passager. A 4.400 mètres d’altitude, l’avion entama sa chute. A 200 mètres du sol, au-dessus des Charmontois, l’on vit soudain un corps projeté hors de la carlingue. Par une chance miraculeuse, l’avion allemand s’enfonça dans un bois qui amortit sa chute. Le pilote, indemne, sortit des débris de l’appareil et fut capturé par les deux vainqueurs. L’Allemand fit le récit suivant :
« Lorsque le radiateur fut atteint, j’essayai de faire demi-tour pour mettre à profit mon altitude afin de regagner nos lignes en planant.
Il tenait à ce que je me hâtasse d’atterrir pour le faire soigner. Je refuse. Il me donne l’ordre. Il est mon supérieur, il me menace de punition si je n’obtempère pas aussitôt. Je réplique que le pilote est maître à bord et que je dois avant tout songer à sauver mon avion…
Peu à peu, alors que mon avion vrille de façon inquiétante, le lieutenant Schultz, fou de colère, maîtrisant sa douleur, se lève et se met à me frapper. J’esquive les coups du mieux que je peux,tout en n’abandonnant pas mes commandes, car je lutte pour rétablir mon équilibre. Peut-être dans quelques instants ne serons-nous que deux cadavres ! La situation est particulièrement tragique. Peu importe à mon passager qui, même dans la mort, ne veut pas qu’un inférieur lui ait désobéi. Il ne se contente plus de me brutaliser, maintenant il cherche à m’étrangler. Cette fois c’en est trop ! M’écraser à terre, soit, si je ne puis faire autrement, mais me laisser assassiner, jamais…
Je vois rouge ! Ni scrupule, ni regrets ! D’une forte pesée, je tire à moi le corps de Schultz en le serrant à l’étrangler et, la vrille aidant, je le projette par-dessus bord. Il était temps. Je me précipite sur mes commandes, un coup d’œil sur mon indicateur : 200 mètres ! »
Tel fut le récit du pilote Haspel. Une tragédie digne d’Edgar Allan Poe s’était déroulée dans le ciel des Charmontois !
Qui était Jean Casale ?
Jean Pie Hyacinthe Paul Jérôme Casale (1893- 1923) était l’un des As de la première guerre mondiale où il remporta 13 victoires aériennes homologuées :
Le 8 juillet 1915, il remporte sa première victoire aérienne en abattant un ballon d’observation allemand. Le 2 septembre 1916, il abat un deuxième aéronef ennemi au-dessus de Dieppe. Le 22 septembre, il partage sa troisième victoire avec Maxime Lenoir, en abattant un nouveau ballon. Puis, il remporte ses quatrième et cinquième victoires, le 24 novembre et le 10 décembre, terminant l’année 1916 avec le titre honorifique d’As. Le 6 février 1917, il remporte sa sixième victoire au-dessus de Wavrille. À la fin de l’année 1917, Casale totalise désormais neuf victoires homologuées. Le 1er juin 1918, il abat un ballon au-dessus de Reims-Épernay. Le 20 juillet, il triomphe d’un Fokker D.VII et sera à nouveau victorieux les 29 octobre et 1er novembre 1918.
Après la guerre, il devient pilote d’essai pour Blériot-aéronautique et bat de nombreux records du monde d’altitude et de vitesse. Il décède lors d’un accident d’avion le 23 juin 1923.
Source des illustrations : « La guerre aérienne illustrée, 1917 », et les sites internet « http://bleuhorizon.canalblog.com » et « https://www.thisdayinaviation.com »
Jean VIGOUROUX