Un gamin victime de la guerre.

Les bourgeois fidèles au roi, défendaient la ville de Sainte-Ménehould assiégée par les troupes du Prince de Condé.
Buirette raconte : « Leur amour pour le roi leur suggéra des moyens de se défendre. Il n’est rien qu’ils aient imaginé pour empêcher l’ennemi d’approcher ». Mais que faire face à une armée de 15 000 hommes ?
Un jour, le bourgeois Du Thillois revenait de chez lui pour manger entre deux attaques. Il rencontra son voisin, le jeune Talor, qui lui demanda de retourner avec lui aux remparts.
Talor était le fils unique d’une veuve bien connue dans la cité. Il était trop jeune pour porter les armes « deux ans de moins que son deuxième lustre ». C’est pour cela qu’il n’était pas encore rentré dans la compagnie de la jeunesse.
- « Je ne t’emmènerai pas aux remparts sans le consentement de ta mère » dit fermement Du Thillois.
« - Bon, répondit la mère devant l’insistance de son fils, j’accepte mais à condition qu’à la moindre alerte mon enfant revienne aussitôt. »
Talor partit, la pique à la main, comme un jeune trop fier de devenir un instant adulte. À peine arrivé sur les remparts, il se pencha par curiosité au créneau pour voir la disposition des ennemis.
Mais à cet instant, on entendit une détonation, puis des tirs de canon, des tirs de mousquets… Une balle vint frapper le jeune homme à la tête. Du Thillois ne put que voir expirer dans ses bras son jeune compagnon.
Buirette à écrit :
« Nous essaierons encore moins de peindre le désespoir de la mère lorsqu’elle apprit la mort de son fils unique. Sa douleur se sent mieux qu’elle ne peut se raconter ».

Tous les habitants assistèrent aux funérailles du jeune homme qui, en cette période de guerre, ne furent pas faciles. Le corps de Talor fut déposé dans une chapelle de l’église du Château et une plaque de cuivre portait cette inscription :

Il faut espérer que cette dame n’ait jamais appris qu’un jour le Grand Condé et Louis XIV se sont réconciliés. En avril 1671, le roi et le prince festoyaient ensemble au château de Chantilly… 19 ans après la mort du jeune Talor.
Les 10 000 livres légués par Condé à la ville rachètent-ils la mort d’un enfant ?
John Jussy

(Buirette, "Histoire de la ville de Sainte-Ménehould 1937 ; page 305 version originale)