Marcel Alexis qui fut instituteur à Givry-en-Argonne a écrit le livre « Givry-en-Argonne et ses environs à travers l’histoire » en 1954. A la page 131, dans le chapitre « L’occupation effective 1940-41 », l’auteur nous raconte une histoire unique que nous avons voulu redire à nos lecteurs
Juin 1940, c’est la « guerre éclair », les allemands envahissent la région : Sainte-Ménehould puis Givry. Dès le 20 juin, les premiers Givryens, partis en exode, reviennent au village. Il faut nettoyer et enterrer les cadavres de chevaux.
Le village est occupé par les ennemis, le drapeau allemand flotte sur la mairie, des immeubles sont réquisitionnés et l’usine devient un camp de prisonniers.
Fin juin 1940, le 815e régiment d’artillerie s’installe à Givry et la vie est relativement calme :
« Tous les matins nos murs retentissent de chants teutons de leurs soldats qui, colonne par trois, se rendent à l’exercice. En dehors de leurs occupations militaires, ils vivent dans une douce béatitude. En décembre 1940, un gigantesque sapin, illuminé toutes les nuits de cent ampoules électriques, trône sur la place publique. »
Marcel Alexis va alors décrire une anecdote qui aujourd’hui peut nous faire sourire mais qui, à l’époque, ne devait pas amuser les Givryens. Il s’agit des « drôleries abusives » d’un jeune lieutenant nommé Leuser :
"Ce digne descendant des anciens hobereaux prussiens, à qui il ne manquait que le monocle, trouvait un malin plaisir à pénétrer subitement et bruyamment dans les débits de boissons et à exiger des consommateurs une position de garde à vous immédiate et impeccable, coiffure enlevée.
Parcourant alors la salle d’un regard belliqueux et ironique, et faisant voltiger à l’occasion les couvre-chefs dont les propriétaires ne s’étaient pas démunis assez rapidement, il quittait la place tout gonflé d’une stupide et mesquine satisfaction."
Mais cette « douce existence » ne devait pas durer. Le 22 février 1941, le 815e quitte Givry pour aller sur la frontière russe, en Crimée. Là, l’armée du général Von Manstein va attaquer les armées russes : 150 000 soldats, 150 cars… Mais, peut-on lire, après la conquête du pays, plus de 30 000 morts ou blessés. Le lieutenant Leuser faisait-il partie ce ceux-là ?
John Jussy