Le paradis ne se situe pas seulement au ciel, en voici un exemple
Cela se passe peu après la fin de la deuxième guerre mondiale. Pendant ces périodes, comme souvent, on aime se défouler après avoir souffert des restrictions et de la rudesse du quotidien.
À Auve, un couple se prend à rêver d’un voyage lointain. Ça tombe bien, il y a le pèlerinage à Lourdes tous les ans fin août et le train se prend à Châlons-sur-Marne. C’est parfait.
Mais il y a un problème : il faut s’occuper de la ferme et des animaux ! Qu’à cela ne tienne, ils ont deux grands adolescents et ils sont encore en vacances, capables de faire le travail quelques jours avant de retourner à leurs études. Ils acceptent aussitôt, enchantés de la confiance de leurs parents et ravis de la promotion.
Quelques jours plus tard, c’est parti. Toute la famille est aux anges, les uns pour rester au village et les autres pour une semaine de réjouissances.
Le premier jour, les deux fils assument le travail mais ils se retrouvent un peu seuls et ils pensent alors aux copains. Le lendemain, ils décident de faire la fête le soir après le boulot et ils invitent leurs connaissances. Dès le premier soir, il y a du monde et
au fil des jours l’ambiance monte en puissance ainsi que le nombre de participants. Ils sont même ébahis de découvrir tant de nouvelles amitiés.
Les deux adolescents profitant de ces moments inoubliables de liberté totale, goûtent au paradis sur terre pendant que leurs parents sont sûrement en train de rêver à un autre paradis, plus difficile d’accès celui-là…
Mais les deux fils ne vont pas se laisser abattre. Une idée géniale leur vient à l’esprit : « vendre une vache ». Forcément cette transaction, faite sur le champ, ouvre des perspectives intéressantes. La fête repart de plus belle et dans ces moments-là il y a encore plus d’amis que l’on peut imaginer.
Malheureusement, une semaine de pur bonheur, ça passe vite ! Les parents reviennent enchantés par ce qu’ils ont vu, entendu et ressenti.
Sans tarder les deux jeunes exposent la situation : « La Blanchette, nom de la vache, est tombée subitement malade. Il a fallu la vendre dans les plus brefs délais. » Bien sûr, le prix de vente n’a pas atteint des sommets, la recette a été maigre. Mais de là à perdre la vache !!!
Et cette semaine si bien remplie s’est terminée avec des parents très fiers, louant les initiatives de leur progéniture et pensant déjà à l’année prochaine quand ils pourraient à nouveau compter sur elle…
N’oublions pas le charme de certaines relations humaines originales :
Pendant cette époque de la fin des années 1940-début 1950, il y a aussi des habitants très inventifs pour amuser la galerie, mais chacun à sa façon. Voici deux voisins, c’est à celui qui sera le meilleur pour embêter l’autre (le verbe est très gentil) !! !
Le plus âgé vient de prendre sa retraite et en profite pour faire la grasse matinée. Le second vient d’acheter un tracteur semi-diesel. Celui-ci est d’une nature expansive, il fait beaucoup de bruit et crache de la fumée.
Alors une idée germe dans la tête du second et il la concrétise sur le champ.
Il conduit son tracteur sous la fenêtre du voisin et le laisse en marche, attendant que le retraité pense enfin à se réveiller : c’est peut-être un acte généreux de sa part !!!
Le lendemain le manège continue. C’en est trop, le retraité a pris ses précautions, il a monté deux seaux d’eau dans sa chambre à l’étage et lui en déverse le contenu à son arrivée, probablement pour l’aider lui aussi à bien se réveiller. Chacun à son tour de s’entraider !!!
Ce n’est pas fini, le chauffeur du tracteur est perspicace et le jour suivant le voici à la même heure avec son tracteur pétaradant, mais il a pris la sage précaution de se munir d’un parapluie…
En effet, au début des années 1950, les tracteurs sont privés de cabine.
À cette époque le travail manuel ne manque pas mais on arrive toujours à trouver un créneau pour ne pas s’ennuyer et on peut dire : « C’était le bon temps ! »
Habiter loin d’une ville peut avoir des inconvénients :
Un problème de fraction à la recherche d’une solution.
À 11-12 ans, me voici pensionnaire au collège Saint-Étienne à Châlons -sur-Marne.
Dès l’arrivée, je me renseigne en ce qui concerne les jours et horaires du week-end : on est libéré le samedi à 16 h mais retour à la maison une semaine sur deux seulement. Et il faut être rentré le dimanche à 18 h. C’est l’heure des complies dans la Chapelle.
C’est vraiment maigre pour se divertir pendant ces deux demi-journées car, pour être rentré le dimanche à 18 h, je dois prendre le bus à Auve peu après 14 h et cela en cachant très facilement ma joie pour rejoindre Châlons-sur-Marne vers 16 h. Ainsi
je dispose de 2 heures environ pour parcourir à peine 500 mètres, distance reliant la place de la République au collège Saint-Étienne, car il faut être à l’heure et c’est 18 heures ! Donc j’ai enfin une possibilité de me divertir une bonne heure à tourner en rond dans la rue de Marne. Je ne vais quand même pas me plaindre, il y a pire !
Au début des années 1950, remplaçant les voitures personnelles encore peu nombreuses, les autobus sont souvent bien remplis, voire combles. Il faut trouver une place libre ou rester debout pour faire les 25 km jusqu’à Châlons.
Un dimanche particulièrement chargé, j’arrive difficilement à trouver une petite place à côté d’une dame que la nature a particulièrement favorisée. Pour me mettre probablement bien à l’aise, elle m’annonce tout fièrement avoir droit à une bonne réduction sur le prix du billet, étant mère de famille nombreuse.
La semaine précédente, les fractions étant au menu des cours de mathématiques, cela m’a embrouillé sérieusement les pistes, car n’ayant réussi à n’utiliser que le quart de la banquette payé plein pot alors que les trois quarts restants étaient dévolus à la
dame ayant payé quart de place, il y avait comme un défaut et toute la logique des fractions se trouvait remise en cause. Aux amateurs d’énigmes, faites travailler vos méninges pour trouver une solution cohérente à ce problème.
Je n’ai pas encore trouvé la solution, d’ailleurs je n’ai pas encore cherché !!!
Je vais vous rassurer, les internes du collège ont aussi des moments agréables, le jeudi en particulier et parfois lors de week-ends passés à Châlons. Ce cliché nous montre une balade dans les environs de Châlons des quatrièmes en 1953. Je ne me souviens pas de ce paysage alors que je suis présent sur la photo.
Dominique Delacour