On sait que le sujet de conversation préféré des Français est la météo. Mais dans nos campagnes, entre voisins, amis ou à l’occasion d’une rencontre, le sujet de conversation qui revient souvent, c’est le jardinage. « Avez-vous déjà semé votre St-Antoine ? », « Vos carottes sont-elles levées ? », « Voulez-vous des choux à repiquer ? », « Cette année, j’ai des potirons magnifiques », « Quelle catastrophe ! J’ai des vers dans mes poireaux, je ne vais rien récolter ! »
En effet dans les villages et même en ville, jeunes comme plus âgés, presque tout le monde a un potager. Certains, impatients, commencent à jardiner dès les premiers beaux jours. D’autres, plus prudents, attendent que la période des saints de glace soit passée.
Mais qui sont ces fameux saints de glace ?
Il s’agit de saint Mamert, fêté le 11 mai, évêque de Vienne dans le Dauphiné, mort dans les années 474 ; saint Pancrace, fêté le 12 mai, martyr à Rome, mort en 304 ; saint Servais, évêque de Tongres, fêté le 13 mai. Mais ne les cherchez pas sur le calendrier, ils ont été remplacés, lors du concile de l’église catholique de 1996 par sainte Estelle, saint Achille, sainte Rolande.
Les saints Servais, Pancrace et Mamert :
A eux trois un petit hiver ?
Méfiez-vous de saint Mamert,
De saint Pancrace et saint Servais,
Car ils amènent un temps frais,
Et vous auriez regret amer.
Les saints de glace ne sont pas une légende. Comme souvent, les dictons généralisent une observation attentive et les statistiques modernes confirment la justesse. Entre le 10 et le 14 mai, une chute brutale de la température nocturne a été remarquée et cela depuis la nuit des temps. Les astrophysiciens reconnaissent une baisse de l’apport solaire sur notre planète et donc une baisse de la température.
Ce coup de froid est très nuisible pour les cultures. Saint Mamert est resté célèbre dans les campagnes pour avoir institué les Rogations. Certains ont peut-être un vague souvenir de ces processions qui, dans notre région, ont dû cesser dans les années cinquante. On appelait la bienveillance du Seigneur sur la terre nourricière. Le matin, le curé, les enfants de chœur et les paroissiens partaient, au petit matin, en procession derrière la croix et chantaient des litanies pendant que le curé bénissait les futures moissons, les arbres et les animaux. Le temps avait son importance, s’il faisait beau le premier jour des rogations, c’était un heureux présage pour les foins, le second jour était pour les moissons et le troisième pour les vendanges. Les rogations avaient lieu quarante jours après Pâques.
Mais ces trois saints ne sont pas les seuls à accompagner les jardiniers. Nombreux sont ceux qui leur prodiguent des conseils, à travers des dictons, tout au long de l’année.
Aux mois de janvier et février, la nature se repose et le jardinier aussi. On espère du
froid et de la neige.
Neige en janvier
Vaut du fumier.
Neige en février,
Bon temps pour les blés.
Mais le jardinier ne se reposera pas longtemps. Un premier travail s’impose.
A la sainte Agathe (le 5 février)
Sème ton oignon
Même dans la glace.
L’hiver se termine, le printemps arrive et l’on connaît tous ce dicton :
Taille tôt, taille tard
Mais rien ne vaut la taille de mars.
Puis suivent les mois d’avril et de mai et l’on n’oublie pas ces conseils :
En avril,
Ne te découvre pas d’un fil.
En mai,
Fais ce qu’il te plaît.
Le jardinier va se mettre au travail.
Veillées et sermons
Ne sont plus de saison.
D’ailleurs, pour la saint Georges (le 23 avril)
Sème ton orge.
Pour la saint Marc,
Il est trop tard.
Qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, c’est le temps de planter les « fayots » de toutes sortes.
Plantez vos fèves à la saint Eutrope (le 30 avril)
Vous en aurez plus que de mottes.
Nouveau dicton, nouveau conseil :
Le 3 mai, à la sainte Croix,
Sème tes pois.
Mais le meilleur moment pour planter ses haricots semble être le 23 mai.
Sème tes haricots à la saint Didier
Pour un tu en auras un millier
ou encore : tu en auras des pleins paniers.
L’été arrive : Juin bien fleuri, vrai paradis.
Mais attention à la saint Médard.
Saint Médard, le grand pissard
S’il pleut, ce jour-là, la récolte diminue d’un quart.
Un nouveau conseil :
A la saint Barnabé (le 11 juin)
Sème tes navets.
La saint Jean (le 24) est un beau jour pour les fruits du jardin et du verger.
Pour les prunes, à la saint Jean
Qu’on envoie une, on en voit cent.
Qui voit une pomme, en voit cent.
Et les groseilles vont rougissant.
Mais bien vite arrive la saint Thibault :
A la saint Thibault
Sème tes raves, arrache tes aulx.
Voilà l’été, plus question de se reposer :
A la saint Thierry (le1er juillet)
Aux champs, jour et nuit.
Pareil conseil, au mois d’août :
Quand même la couche serait à ton goût
Ne dors pas sous le soleil d’août.
Mais septembre arrive, c’est bientôt l’automne :
A la sainte Croix,
Cueille les pommes et gaule les noix.
Ce n’est plus la saison de planter mais de récolter.
Coupe ton chou à la saint Gall (le 16 octobre)
En hiver, c’est un vrai régal.
Et A la sainte Simone (le 28 octobre)
Il faut avoir rentré ses pommes.
L’hiver arrive ;
Fume tes champs à la saint Martin (le 11 novembre)
Tu t’en trouveras bien.
Et aussi, un autre bon conseil :
Tue ton porc à la saint Martin,
Et invite ton voisin.
L’année est presque terminée, le jardinier et le paysan peuvent se reposer, mais un dernier dicton que tout le monde connaît :
A la sainte Catherine (le 25 novembre)
Tout bois prend racine.
Beaucoup aiment jardiner et pourtant bêcher, sarcler, houer, biner, piocher, arroser, voilà des verbes qui expriment des travaux pénibles. Mais plus maintenant !
Grâce à la permaculture ! La permaculture est la culture du paresseux, dit-on, car plus de bêchage, plus de binage, plus d’arrosage. Je ne vais pas en dire plus sur la permaculture, d’abord parce que je n’ai pas très bien compris en quoi ça consiste et qu’il suffit de cliquer sur internet pour en savoir plus. J’ai d’ailleurs interrogé de nombreux jardiniers, aucun ne pratique la permaculture. Cependant, beaucoup changent, petit à petit, leur façon de jardiner. On remplace la fourche-bêche ou le motoculteur par la grelinette, on n’utilise plus de pesticides, mais des purins d’ortie ou de prêle, on diversifie les cultures, on paille la terre nue, on récupère l’eau de pluie, on protège les animaux amis du jardinier, comme les oiseaux, les coccinelles, les abeilles mais aussi, les vers de terre, les hérissons, les cloportes, les carabes...
Hubert le jardinier est Ardennais, Il a écrit plusieurs livres sur le jardinage, on le retrouve dans Rustica, le journal des amis de la terre et présente une émission sur France bleu. Il est venu une fois à Sainte-Ménehould à l’occasion du salon du livre.
La ville de Sainte-Ménehould a mis à disposition des parcelles cultivables à tous les gens qui désirent jardiner et n’ont pas de jardin. Ce qu’on appelait autrefois les jardins ouvriers, renommés de nos jours les jardins familiaux. Ils connaissent un nouvel engouement après avoir été menacés par l’urbanisation massive. C’est une femme, Félicie Hervieu, qui a fondé les premiers jardins ouvriers français, à Sedan, en 1893. Mais son histoire est méconnue, car elle a été éclipsée par un homme politique plus en vue, l’abbé Lemire. Il devint un ardent promoteur du jardinage populaire, conçu comme un barrage à l’alcoolisme et un bénéfice pour la morale. Durant la Grande Guerre, le ministère de l’agriculture encourageait la création de potagers, avec distribution de semences et d’outils.
A Clermont-en-Argonne, l’association Fan’Argonne Nature a pour philosophie de mieux connaître notre milieu : la flore et la faune avec l’observation des fleurs et des animaux. Elle propose de nombreuses manifestations : sorties, conférences et plusieurs trocs de plantes. Elle a pour projet de créer une grainothèque et de récupérer les plantes invendues dans les jardineries et de leur donner une seconde vie.
A Sainte-Ménehould, à la médiathèque, a été mise en place une grainothèque. Les usagers sont invités à déposer les graines qu’ils ont en trop et à prendre ce dont ils ont besoin.
Les bienfaits du jardinage sont connus de longue date. Quand une graine commence à germer, quand on goûte la première framboise, quand on entend le bourdonnement de l’abeille qui vient butiner une fleur de courgette, quand on respire le parfum d’une rose, ces émotions, ces sentiments souvent fugaces, c’est un trésor qui se cueille tous les jours au jardin : on l’appelle la gratitude. La gratitude serait bénéfique pour le sommeil, les personnes sujettes aux accès de désespoir, elle pourrait même contribuer à améliorer notre santé cardiaque et immunitaire.
« Si nous pouvions percevoir clairement le miracle que représente une simple fleur, notre vie toute entière changerait. » Bouddha.
Il y a plus de deux mille ans.
(J’ai oublié de noter où j’ai trouvé cette documentation sur la gratitude)
Comme j’ai commencé par des dictons, je vais terminer par un dicton chinois :
Si tu veux être heureux une journée, saoule-toi.
Si tu veux être heureux un mois, tue ton cochon.
Si tu veux être heureux une année, marie-toi.
Si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi JARDINIER !
Nicole Gérardot