Le samedi 30 mars 1974 disparaissait, au cours d’une randonnée, Hubert Barthélémy, à Saint-Saturnin-d’Apt, dans le Vaucluse. C’est dans ce village que son épouse a pris la décision de ramener le corps de son mari à Moiremont, son village natal. Aussi, le 2 avril, par un beau soleil, je m’en souviens, ses obsèques furent célébrées par Monsieur l’Abbé Sué, en présence d’une foule nombreuse. Son cercueil était entouré par une montagne de fleurs et sans doute porté par l’amitié de tous ceux qui l’avaient connu, estimé ou milité avec lui.
Hubert était né le 8 janvier 1936 à Moiremont, une année d’avancée sociale, disait-il, une année symbolique pour lui.
Son enfance a été simple et pas toujours des plus faciles. Le repas du soir n’était pas dans l’obligation du quotidien familial. Néanmoins, il a eu la chance d’avoir eu, comme beaucoup d’autres par la suite, un instituteur dévoué, un instituteur troisième République, Monsieur Deplanque, qui lui a donné la passion de l’Argonne, le goût des études et l’esprit de justice sociale, corroboré en cela par Monsieur l’abbé Cheutin, curé de la paroisse.
En 1947, il entre au lycée Chanzy, un exploit pour un pauvre à cette époque. Désormais, presque toutes les étapes de sa vie s’enracineront en Argonne, à l’exception de ses études de droit en région parisienne. Pour les financer, il devient surveillant au lycée. Alors, on le surnomme Dias, en référence au navigateur portugais Dias Bartolemeu, plaisanterie de potache, sans doute.
En 1959, par le hasard d’une rencontre, il devient journaliste à l’Est Républicain et collabore au Centre d’Etudes Argonnais. Croyant, très pratiquant, il écrit des centaines d’articles sur l’art sacré et la religion et publie, dans de nombreux journaux, l’Est, bien sûr, mais aussi la Croix, Témoignage Chrétien, Nancy Paroisse, la Tribune Socialiste, etc
C’est à lui que revient la paternité de « Laxou Informations ». Lentement, mais sûrement, Hubert va devenir un grand reporter. Certes, l’homme est discret, modeste comme ses origines et n’aime pas toujours se mettre en avant.
A l’Est Républicain, au-delà de l’information religieuse qui le mènera dans la France entière, de la réunion épiscopale de Lourdes au rassemblement des silencieux à Strasbourg, il anime des rubriques politiques en période électorale.
Il était l’homme de l’essentiel.
Responsable C.G.T. de son journal, il ne craignait pas de se montrer intransigeant, même aux dépens de son propre avancement. Il fut un syndicaliste écouté à l’échelon national. Membre très actif du P.S.U. depuis 1961, il fut élu conseiller municipal de Laxou en 1965. Il était l’ami de Michel Rocard.
C’est en 1970, lors d’une élection législative partielle dans la première circonscription de Nancy, qu’il se présente suppléant de son ami Francis Borello, alors professeur de droit à l’université de Nancy. On se souvient dans quelles circonstances Monsieur Jean-Jacques Servan-Schreiber finit par être élu au deuxième tour : l’argent coula à flots. C’est à cette époque et avec courage qu’Hubert a déclaré dans les colonnes de son journal, qui du reste soutenait son adversaire : « Il n’est pas de socialisme sans liberté, mais la démocratie est un leurre si les citoyens ne sont pas informés où sont le mal ou si l’argent redevient l’arbitre du débat électoral ».
Il aimait dire que la vie des militants apporte toujours plus de déceptions que d’honneurs, qu’elle comporte un peu, comme pour les sapeurs-pompiers, des sacrifices familiaux et des risques personnels.
Il se méfiait de tout ce qui brille et qui flatte.
Par conviction, par honnêteté, il restera toute sa vie, sa trop courte vie, un homme idéal et le défenseur des petites gens. Chez lui l’amitié avait un sens. Interdit de sport eu égard à sa santé, il était fanatique de bicyclette ; dans la voiture de l’Est Républicain, il a suivi maintes fois Raymond Poulidor.
Son dernier grand reportage, quelques jours avant sa mort, a été consacré à la propriété des lieux saints de Jérusalem, avec en commentaire : « Si ce problème trouve solution, la paix reviendra ». Trente ans après, ce sujet est toujours d’actualité.
Aujourd’hui, Hubert repose dans le cimetière de Moiremont. Son frère, maintenant décédé, a fait sceller sur sa pierre tombale une ammonite.
Très souvent, une rose rouge l’accompagne.
Hubert comptait de nombreux amis en Argonne.