Le registre des audiences du tribunal civil et criminel de la haute, moyenne et basse justice de La Neuville-au-Pont, déposé aux Archives Départementales de la Marne, retrace la vie de la ruralité argonnaise, avec parfois des affaires bien cocasses. Jugez-en vous-mêmes à la lecture de ce compte-rendu d’audience.
« Ce jourd’hui vingt quatre juillet mil sept cent quatre vingt trois l’audience tenue par nous Louis Nicolas Pellerin avocat en parlement exerçant la justice et police de La Neuville-au-Pont y étant au lieu accoutumé de tenir l’audience assisté de notre greffier ordinaire.
En la cause d’entre le procureur fiscal en ladite justice et police demandeur et comparant en personne lequel nous a dit en vertu de notre jugement du dix-sept de ce mois, il a fait assigner par notre huissier ordinaire à la baguette le jour d’hier les personnes de Charles Darny serrurier, François Godefroy vigneron, Claude Buache tourneur, Jean Nicolas Lamotte charron, Louis Letache bourrelier et Jean Louis Soudant tonnelier pour être ouïs en l’enquête de police ordonnée par notre dit jugement et que par le même sergent, il a fait également assigner à la baguette le nommé Jean Jagin manoeuvrier demeurant en ce lieu pour pouvoir prêter serment auxdits témoins et fournir des reproches contre eux si il y a.
Contre ledit Jagin comparant en personne et attendu la comparution desdits témoins, ledit Darny âgé de quarante trois ans, ledit Godefroy âgé de quarante sept ans, ledit Buache âgé cinquante deux ans, ledit Letache soixante quatre ans, ledit Soudant trente huit ans, et le dit Jagin nous a déclaré qu’il n’a aucun reproche à fournir contre lesdits témoins les reconnaissant pour d’honnêtes gens.
Sur quoi attendu la comparution desdits témoins et la déclaration dudit Jagin nous avons, en sa présence, pris et reçu leurs serments lesquels ont déclaré n’être parents alliés ni serviteurs dudit Jagin. De ce en qui et en conséquence ordonnons qu’il sera tout présentement procédé à l’enquête et audition desdits témoins.
Lesdits Darny, Godefroy, Buache, Lamotte, et Soudant après serment tous présentement par eux, prêts à dire vérité, lesdits Darny, Godefroy, Lamotte et Soudant ont déposé unanimement que ledit Jagin est venu les rechercher le sept du présent mois de juillet vers les dix heures du matin pour les mener chez Maître Frerson prêtre curé de ce lieu pour être présent aux discours qu’il allait tenir audit Sieur curé sur le mariage qu’il voulait contracter avec une femme qu’il habite et avec laquelle il disait n’être point marié, qu’arrivait avec ledit Jagin avec la personne qu’il habite ; chez ledit sieur curé ledit Jagin a dit audit sieur curé qu’il n’était point marié avec Marie Jeanne Pichtre qui demeurait avec lui depuis onze ans et qu’il voulait se marier avec elle dans la foi catholique que ledit sieur Frerson lui ayant répondu que depuis longtemps il lui avait dit qu’il était marié selon le Rite de l’Eglise, ce que ladite Pichtre a confirmé ledit sieur Frerson lui ayant aussi observé qu’il ne pouvait les marier une seconde fois.