Dans cette rubrique, nous aurions été fautifs si nous avions omis de présenter Auguste-Arthur GERAUDEL, un Argonnais et ils ne sont pas nombreux, les Argonnais ayant connu une renommée nationale. Notre concitoyen, durant ces vingt dernières années, a souvent été à l’honneur. Son buste, sculpté dans la pierre par Michel SCHILLINGER a été érigé dans l’espace vert jouxtant la maison de retraite du quartier Valmy. Il s’agissait d’évoquer le buste qui trônait dans le parc de l’Alleval, aujourd’hui bois Géraudel et dont on croyait les deux exemplaires, l’un en bronze, l’autre en plâtre, à jamais disparus. Or, la statue en plâtre a été retrouvée dernièrement et l’on peut la voir dans la salle du Conseil Municipal.
Trois Ménéhildiens, dont notre collaborateur Roger BERDOLD ont réalisé un fascicule encore en vente à l’Office de Tourisme de Sainte-Ménehould (prix : 6 ) qui vous dira tout sur cet illustre pharmacien qui a laissé à notre ville une importante bâtisse située à l’arrière de l’Hôtel de Ville. Aujourd’hui, nous publions un texte écrit par un de ses contemporains quelques années après sa mort.
Auguste-Arthur GERAUDEL, ancien pharmacien à Sainte-Ménehould, est un exemple frappant de ce que peut donner la persévérance dans le travail. Né au centre même de la forêt d’Argonne, en 1841, au charmant hameau de Bellefontaine, écart de la commune de Futeau, il fréquenta, jusque douze ans, l’école du chef-lieu, faisant allègrement chaque jour, par un étroit chemin boisé, les huit kilomètres qui séparaient l’école de la maison paternelle. Ensuite, il entra au collège de Sainte-Ménehould, dont il fut un excellent élève.
De famille peu fortunée, il dut terminer ses études deux ans après et il entra comme garçon de laboratoire, chez un pharmacien de la ville. Vers l’âge de dix-huit ans, il quitta Sainte-Ménehould pour Metz et là, ses laborieuses journées finies, il complétait peu à peu, par un travail acharné, son instruction rudimentaire, ce qui lui permit de subir avec succès son examen de grammaire. En 1863, la capitale l’attire et on le voit à Paris comme premier élève du savant Duroy. L’année suivante, il se fait recevoir interne des hôpitaux et passe quatre ans tant à la Salpêtrière qu’à Saint-Antoine. Durant cet internat, il reçoit de Monsieur Duruy, alors ministre de l’Instruction publique, une lettre de félicitations, pour son admirable dévouement pendant l’épidémie de choléra qui sévit jusqu’en 1865.
Afin de conquérir le grade de pharmacien de 1ère classe, le baccalauréat est nécessaire à GERAUDEL. Il se livre à de nouvelles et patientes études qui sont couronnées de succès en 1869 par l’obtention du parchemin et du titre.
Il ne tarda pas à revenir à Sainte-Ménehould reprendre l’officine de son premier patron. Arrivé là, il dut à son amour filial la découverte importante qui l’a rendu célèbre dans le monde entier. Depuis longtemps, sa mère, qui avait exercé la dure et dévouée profession de sage-femme rurale à Bellefontaine, souffrait d’un cathare des bronches avec asthme humide. Le goudron était alors le meilleur remède connu pour cette affection. Malheureusement la malade avait une répugnance invincible pour cette médication. GERAUDEL rechercha les moyens d’enlever au goudron les principes qui le rendaient nuisible et les moyens de le faire entrer sans dégoût dans les voies respiratoires.
Le jeune homme finit par découvrir ce qu’il cherchait et prépara les pastilles qui depuis lors ont porté son nom et l’ont rendu si populaire. GERAUDEL était récompensé, outre la satisfaction intime d’avoir guéri sa mère, il acquit en même temps réputation et fortune.
Débarrassé des soucis matériels de l’existence, GERAUDEL voulut ensuite agir en philanthrope. Tout d’abord il dota la ville de Sainte-Ménehould d’une industrie nouvelle en faisant construire l’usine modèle qui occupe actuellement une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières dont l’existence est assurée dans une localité où les emplois bien rémunérés sont rares. Ensuite, il apporta un concours incessant à toutes sortes d’œuvres humanitaires et instructives : Sociétés de secours mutuels, Bureau de bienfaisance, Croix Rouge, Commission des logements, Bibliothèque locale, Délégation cantonale, dont il fut toujours un protecteur généreux et un conseiller écouté et respecté.
Lorsqu’il eut empli une si belle carrière, il voulut passer ses dernières années au milieu des paysages verdoyants des vallons argonnais. A cet effet, il aménagea et embellit, à proximité de Sainte-Ménehould, le magnifique parc de l’Alléval. Ce bois, ouvert à tous, faisait les délices de ceux qui s’y rendaient pour respirer l’air pur de la forêt. GERAUDEL est mort en 1906 ; mais dans ses dernières volontés, d’ailleurs fidèlement exécutées, il n’a pas voulu priver ses compatriotes d’un endroit où l’art ne le cède pas au confort et dans lequel, en se promenant à l’ombre des futaies, l’on redira toujours, en parlant du donateur : « C’était un homme de bien et un grand cœur, doublé d’un savant et d’un philanthrope [1] ».
Le buste de Auguste-Arthur GERAUDEL
Photo C. CAPPY