
---------Personne n’a jamais tenté de traduire des grand’mères en justice pour exercice illégal de la médecine. Pourtant, elles en ont fait bouillir des marmites dans lesquelles se concoctaient de précieux remèdes, faits à l’aide de simples [1] qu’elles récoltaient dans leur jardin ou sur le bord du talus voisin [2].
---------Leur savoir-faire était souvent « secret famille ». Il se transmettait de mère en fille, et si, au fil du temps, une partie s’est perdue, une autre est parvenue heureusement jusqu’à nous. Je n’en veux pour preuve que les deux recettes que vous allez découvrir ci-après. Rassurez-vous, il ne s’agit pas de quelque potion amère, mais de liqueurs très efficaces, et tellement délicieuses, que si l’on n’y prend pas garde, elles sont capables de vous transformer vite fait en malade imaginaire.
La première est à base de thym, cet aromate si commun, sans lequel, pourtant, sauces, ragoûts et autres grillades seraient bien fades. Mais outre ses qualités culinaires, nos aïeules connaissaient aussi ses vertus thérapeutiques. Consommé sous forme de tisane, de décoction ou autres préparations, il favorise l’élimination des toxines. C’est un ami de l’appareil digestif, qui a aussi la réputation d’exciter l’intelligence. Mais notre petite labiée est surtout très précieuse en cas de rhume, bronchite ou toux, car c’est un puissant antiseptique. Sa renommée est largement répandue depuis longtemps :
Il entrait par exemple dans la composition du « vinaigre des quatre voleurs », comme le raconte une ancienne chronique : « lors de la grande peste de Toulouse, en 1630, d’audacieux voleurs détroussaient les cadavres, faisant fi de la contagion. Finalement capturés, ils furent condamnés à être brûlés vifs. Toutefois, on leur promit la vie sauve contre leur secret. Ils avouèrent se frotter le corps avec un vinaigre dans lequel avaient macéré du thym, de la sauge, de la lavande et du romarin. Aussitôt après, on les pendit ».
---------Quant à leur recette, elle devint célèbre et pendant près de trois siècles, elle fut utilisée pour combattre les épidémies.
---------L’élément « soignant » de la seconde liqueur est le coing, ce drôle de fruit cotonneux, duveteux, qui ne se consomme jamais cru, mais en gelée, en confiture, en marmelade ou en pâte sèche, quel régal !
---------Appelé dans l’antiquité « poire de Cydonie » ou « pomme d’or », les nymphes, paraît-il, le préparaient pour Jupiter en le faisant confire dans du miel.
---------Les Romains l’avaient consacré à Vénus, et il figurait dans les cérémonies matrimoniales. La jeune épousée devait en manger au seuil de la chambre nuptiale, « afin que sa bouche fut imprégnée d’un doux parfum ».
---------Plus prosaïquement, le coing, comme le thym, est doté de nombreuses vertus médicinales bien connues des anciens. Quel que soit le mode de préparation, il est utile à l’estomac et à la vessie. Très astringent, il est surtout employé contre les dérangements intestinaux.
---------A vous, maintenant, de tester ces deux « médications »
LA LIQUEUR DE THYM DE THERESA
---------Cueillir une grosse poignée de fleurs de thym fraîches. Les mettre macérer pendant deux ou trois mois dans un litre d’eau de vie pour fruits, neutre. Filtrer, puis ajouter un sirop fait de ¾ de verre d’eau et 300 grammes de sucre. Mettre en bouteille et laisser au moins trois semaines au repos avant d’utiliser.
LA LIQUEUR DE COING DE HYPPOLYTE BESSON
[3]
---------Couper des coings bien essuyés en petites tranches (sauf leur cœur et les pépins). Les mettre dans un bocal et les recouvrir d’une bonne eau de vie [4] pour fruits. Laisser macérer au moins six semaines, plus si possible. Préparer un sirop avec 250 grammes de sucre et un grand verre d’eau, que l’on mélange avec une bouteille de cette eau de vie passée au linge. Attendre un peu avant d’utiliser. Excellent pour les maux de ventre et d’intestins.
---------Les grand’mères, très sagement, accompagnaient toujours ce genre de remèdes d’une ordonnance : « A consommer avec modération ».
