Les élections approchent et c’est alors l’heure des débats houleux, des papiers que l’on met dans les boîtes aux lettres du peuple, ou des articles de presse.
En 1907, il y eut les élections cantonales ; c’était le 28 juillet. Et la lecture du journal local, la « Revue de la Marne » va nous montrer combien, à l’époque, les gens étaient fort passionnés, voire agressifs.
Le premier article est une lettre de lecteur :
Pas content. On nous écrit d’une des communes du canton : « Un qui n’est pas content du tout de l’élection de M.Gaillemain au Conseil Général, c’est l’officier de pompiers de la commune. Depuis que l’on a connu le résultat définitif, il crie, il tempête, il insulte les personnes qui ont voté pour notre ami. Il a même renvoyé son domestique parce que lui aussi a contribué à l’élection de notre concitoyen. »
Calmez-vous, M. l’officier, et ne traitez pas de lâches ceux qui ont cru faire leur devoir en envoyant siéger au Conseil Général ce vaillant républicain qu’est M. Gaillemain. Nous respectons vos opinions, M. l’officier, tâchez de faire de même."
M. Gaillemain avait été élu dans le canton de Dommartin sur Yèvre avec 903 voix, sur 1998 inscrits et 1751 votants. Son adversaire, M. Etienne avait obtenu 832 voix.
Mais la « Revue de la Marne » n’était sans doute pas un journal neutre. Preuve cet article :
« Le brillant succès remporté par notre excellent ami M. Charles Gaillemaincontre Léon Etienne, rejaillit quelque peu sur notre rédacteur en chef, qui ne s’est pas ménagé, pendant quinze jours, pour assurer la victoire du candidat des Républicains. Les attaques violentes dont M. Martin-Schmit a été l’objet de la part de »La Croix de la Marne« , la »Dépêche de l’Est" et autreen sont la preuve convaincante.
Dans le canton de Sainte Ménehould, ce sont trois réactionnaires qui ont été élus : Lavison (1739 voix), Jesson (1510) et Chevalier (1623). Avec 3587 inscrits et 2967 votants. Un article dont le nom générique est « fléchettes » ressemble un peu à ce qui est aujourd’hui le « courrier des lecteurs » ou encore « le coup de gueule ».
"En place. Repos : Nous avons liquidé, aujourd’hui, les derniers articles polémiques suscités par la récente campagne électorale. C’est l’époque des vacances et nous entrons aujourd’hui dans l’ère du repos et de l’accalmie.
Pour employer une expression choisie du Journal de la Marne, nous laisserons hurler, sans y répondre, les faméliques quarante sous de la Dépêche de l’Est et les sectaires haineux de la Croix de la Marne. Nous allons travailler sans bruit, doucement mais combien sûrement, à l’éducation démocratique, agricole, syndicaliste et mutualiste de nos laborieuses populations rurales, alors que, de concert avec nos concitoyens, nous étudierons toutes les questions se rattachant à la vie municipale et communale.
Tout vient à point pour qui sait attendre : nous attendrons patiemment notre heure. Elle sonnera bientôt, mais alors gare au réveil ! Malheur à ceux qui auront laissé le corps électoral s’enliser dans l’inaction ou la veulerie ! Et malheur aussi à ceux qui ont livré cet arrondissement, autrefois si républicain, aux pires réacteurs et aux stipendiés [1] de la basse démagogie [2] césarienne. Ch, C, S."
Apparemment, l’auteur de cet article n’a pas été élu, car si dans les cantons de Somme Yèvre et de Ville sur Tourbe (M. Margaine élu-1242 voix- contre M. Tilloy-747 voix) ce sont deux Républicains qui ont été élus. Ce ne fut pas le cas à Sainte Ménehould.
Dans le journal du 4 août 1907, on peut lire aussi cette surprenante anecdote :
« On nous signale le singulier état d’âme d’un sieur Alex Pérot, dont le fils est salarié par le gouvernement de la République, et qui a déchiré les affiches des candidats républicains apposées sur sa maison, tandis qu’il a laissé coller, sans mot dire, tous les autres placards des candidats réactionnaires, ennemis de ce même gouvernement qui nourrit son fils. »