Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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SAINTE-MENEHOULD DANS LA SECONDE GUERRE MONDIALE



---------J’étais en liaison avec le central téléphonique tenu par Monsieur BERNARD, qui coordonnait tous les systèmes de téléphone et d’alerte. A quinze heures trente, une Jeep américaine est arrivée place de l’Hôtel de Ville et je suis descendu discuter avec les Américains (je me débrouillais bien en anglais). Ils m’ont expliqué qu’ils étaient en éclaireurs. J’ai sauté sur la Jeep, à l’arrière, en m’accrochant à la roue. On a pris la ruelle du Cheval Rouge. En débouchant dans la rue Gaillot Aubert, direction le Jard, on s’est fait tirer dessus par les Allemands qui étaient à l’école maternelle. Je n’ai jamais fait une marche arrière en Jeep aussi rapide. Heureusement que je me cramponnais à la roue arrière. Puis nous fûmes à l’abri derrière le Cheval Rouge. J’ai appris plus tard qu’il y avait une deuxième Jeep en ville. Constatant qu’il y avait de la résistance, ce qui les étonnait, les soldats me dirent qu’ils allaient chercher des renforts et qu’ils devraient peut-être bombarder la ville. C’est à la suite de quoi, Serge DANEL, en side-car, est parti au devant des Américains qui étaient à Somme-Py, siège de leur quartier général. Serge DANEL, élève à l’école des mines, vingt-deux ans, devait épouser plus tard Yvette BOUSSELIN, la sœur de Madame GUY. Comme tous les jeunes de la cité, il était mobilisé par la défense passive. Il s’est proposé pour cette mission qu’il semblait pouvoir mener à bien, car c’était un garçon débrouillard. Là-dessus, j’ai repris mon poste au château. Là, j’ai vu un brave Allemand, avec un vieux vélo, traverser en biais la place de l’Hôtel de Ville. Il s’est fait tirer comme un lapin. Il a roulé par terre, lui d’un côté, le vélo de l’autre. En cinq minutes de temps, il n’y avait plus d’Allemand, il n’y avait plus de vélo, il n’y avait plus de fusil. On avait emmené le tout à l’abri chez PERCHERON, par crainte des Allemands. Le tireur était Monsieur POURADE, marchand de fruits et légumes, pas connu comme résistant, mais qui avait retrouvé son fusil de chasse ! Un quart d’heure après, j’ai vu Madame BARBELET sortir en hurlant de la maison VARIN (aujourd’hui domicile de la famille PIOT) : son mari venait de se faire tuer devant le Casino. Je n’ai pas vu sa mort, car j’étais en surplomb. Les boches avaient tué ce boucher qui tenait commerce place de l’Hôtel de Ville, à l’emplacement de l’actuelle boucherie. Entre temps, vraisemblablement Monsieur V a descendu le commandant de la place, devant la gendarmerie. Ce commandant n’était pas un mauvais type. Il se dirigeait vers la Kommandantur qui se trouvait à l’Hôtel Moderne (actuellement subdivision de l’équipement). C’est alors que les Allemands ont commencé à faire le bazar. Leur réaction a été rapide. Ils ont incendié la prison, la gendarmerie, la maison Vernimont, la Kommandantur, enfin un peu partout.

---------Entre temps, faisant le tour du château, j’ai vu trois pièces d’artillerie allemande qui descendaient la route de Vitry et qui ne sont pas ressorties de la ville. J’ai signalé le fait au P.C. et, étonnement, en appelant au téléphone, je me suis retrouvé en communication avec l’Etat Major de Sommepy. J’avais les Américains au bout du fil. Je leur ai expliqué ce que j’avais vu. J’observais aussi la population qui remontait la rue de Vitry. Elle partait en exode, évacuée par les Allemands des caves Robert. Le soir, vers dix-huit heures, Bernard TSF [1] me téléphone pour me prévenir qu’un officier Allemand et deux S.S. montaient au château.

---------Comme nous étions seuls, Friedrich et moi, sur ce terre-plein du château, j’ai décroché bravement le téléphone et nous avons décidé de nous cacher et de nous taire. Ce n’était pas de la bravoure mais de la sagesse ! On a attendu jusque huit heures du soir, il ne faisait pas encore nuit. C’est alors que nous avons entendu les chars américains rouler en centre ville. Nous étions à moitié rassurés. J’ai vu un char américain, tourelle tournée vers nous. Nous avons replongé dans l’abri. Quelques secondes plus tard, il nous tirait dessus. C’est vrai que nos silhouettes se découpaient bien !
---------En ce qui concerne les trois canons allemands que j’avais repéré, l’un était en haut de la ville, sous les platanes et a été neutralisé rapidement. Le deuxième, qui était au passage à niveau de la gare de Guise, a connu le même sort, ainsi que le troisième, qui était dans la côte de la route de Florent.

---------Dans les combats, les Américains ont mis le feu chez DEMANGIN (actuellement SHOPI), puis à la Sous-Préfecture (actuellement banque VARIN BERNIER), incendies vite éteints.

---------Le soir, je suis rentré à la pâtisserie à neuf heures trente ; j’étais malade comme une bête, une réaction à la tension de la journée. »


Notes

[1Surnom de Monsieur BERNARD.

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