Copie d’une lettre du général en chef de l’Armée du Nord, déposée aux Archives de la Marne.
Au Quartier Général de Grandpré, le 3 septembre 1792,
L’an quatre de la Liberté.
---------Messieurs,
---------Je suis fort aise d’avoir de vos nouvelles et de recevoir de vous les témoignages d’une confiance qui m’est bien nécessaire dans ce moment critique. Ce n’est ni devant Reims, ni devant Soissons, que nous pouvons défendre votre Département et Paris, que nous pouvons empêcher la marche des Prussiens. J’ai pris le seul parti qu’il y avait à prendre ; je me suis porté rapidement vers les débouchés de la forêt d’Argonne ; c’est là qu’il faut arrêter les ennemis ; mais je vous avertis qu’après avoir réuni les troupes du Camp-sur-Sambre au débris de celle de Lafayette, je n’ai qu’à peu près vingt mille hommes pour défendre vingt lieues de pays et couvrir quatre ou cinq débouchés.
---------Si vous voulez agir efficacement, envoyez-moi un renfort de cinq ou six mille hommes, organisés en Bataillons, avec des canons, des fusils et des uniformes. Choisissez de préférence les garçons, depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à quarante ans. Dirigez-en un tiers sur Sainte-Ménehould et les deux tiers sur le Camp que j’occupe à Grandpré.
---------Tâchez de les pourvoir le plus que vous pourrez de tentes et d’effets de campement ; engagez Messieurs les Administrateurs de Département de l’Aisne à faire la même chose ; et alors, avec les secours que j’attends de Paris, je crois pouvoir répondre que je ne serai forcé dans mes défilés et que par conséquent on ne pénétrera pas chez vous. Il serait essentiel aussi que, vu le rassemblement considérable qui va se faire dans ce pays, qui offre peu de ressources en comestibles, vos braves Patriotes apportassent des vivres pour quinze jours.
---------Vous pouvez, Messieurs, compter sur la bravoure et le patriotisme de l’armée que je commande, elle brûle de combattre. Si, comme je n’en doute pas, votre intention est la même, dépêchez de venir au devant des Prussiens dans des pays susceptibles de chicanes et ne les attendez pas dans vos grandes plaines, où ils auraient beaucoup d’avantages sur nous.
Le Général en Chef de l’Armée du Nord - DUMOURIEZ