Il y a 800 ans
Lorsque le comte de Champagne Thibault III mourut soudainement le 25 mai 1201, son épouse, Blanche de Navarre, devenue veuve, se vit confier la régence jusqu’à la majorité de son fils.
Elle voulait le bien de ses sujets, elle entreprit donc de les visiter en vue d’améliorer leur sort, sort qui était alors celui de véritables serfs.
Elle vint ainsi plusieurs fois à Sainte-Ménehould et en 1212, après avoir affranchi les habitants, elle fit donation à la ville de quelques arpents de bois de ses forêts. Son fils, Thibault IV de Champagne, non seulement approuva ces libéralités faites pendant sa minorité, mais les augmenta.
« En 1238, Le comte étendit le territoire de Sainte-Ménehould jusqu’au ruisseau de Biesme qui servait de borne entre la France et l’Empire d’Allemagne. Ce canton [1] était du Nord à l’Est couvert de bois. C’est à la libéralité de ce comte et de cette comtesse que la ville de Sainte-Ménehould est redevable de plus de 1200 arpents (environ 612 ha) de bois dont elle jouit aujourd’hui » [2]
Ainsi est née une des premières forêts communales en France. |
Ce portrait, d’origine espagnole, représente Thibault avant son départ pour la 6ème croisade en 1239 |
Du Moyen Age au 19°siècle.
La forêt nourricière
Même si la situation a évolué au cours de ces siècles, c’est toujours la forêt, richesse essentielle, qui devait subvenir aux besoins de la vie domestique et artisanale.
Moyennant des redevances généralement faibles, la population locale bénéficiait de droits d’usage lui donnant accès aux ressources forestières, particulièrement au bois, ce matériau irremplaçable.
Les artisans, sabotiers, menuisiers, charpentiers, couvreurs, tonneliers, potiers, verriers, cendriers [3], charbonniers [4]. et autres, prélevaient en forêt les quantités nécessaires à leur activité.
Quant aux particuliers, c’était le bois de feu destiné au chauffage et à la cuisson des aliments, celui pour la construction, la réparation des bâtiments, les outils qui leur était alloué. Le bois mort pouvait généralement être ramassé gratuitement.
Les droits de « pâturage » en forêt pour le bétail, et de « panage » [5] pour les porcs autorisaient la présence d’animaux domestiques en forêt.
Nos anciens savaient tirer parti de tous les trésors que leur offrait la forêt pour améliorer leur quotidien. Ils connaissaient toutes les plantes comestibles : fruits sauvages, baies, champignons, racines, plantes médicinales et aussi arbres creux où trouver du miel et de la cire. Le braconnage, cette « chasse du pauvre » [6], leur apportait un complément alimentaire apprécié, illégal, certes mais probablement vital.
Le confort domestique n’existait guère ! On l’améliorait avec des produits courants de la forêt, comme la fougère. Cette plante si commune avait de multiples usages : ses feuilles étaient utilisées, non seulement pour soigner les blessures, mais servaient aussi de fourrage et de litière pour les animaux. Séchées, on en garnissait coussins et matelas. En période de grande pénurie, ce qui n’avait rien d’exceptionnel, elles servaient de combustible, leurs racines broyées et grillées remplaçaient la farine pour faire du « pain », ou ce qui était censé en être ! Leurs cendres, qui contiennent de la potasse, étaient utilisées par les verriers mais aussi comme lessive.
Les feuilles de hêtre (appelées « plumes de bois » dans les Ardennes), servaient à garnir les paillasses. Leurs fruits, les faines, étaient ramassées, non seulement pour faire de l’huile, mais aussi pour nourrir les animaux domestiques.
Et ce ne sont que quelques exemples
Mais la pauvreté et le manque de contrôle faisaient que les droits accordés étaient souvent outrepassés. Les taillis, coupés trop fréquemment, ne laissaient pas aux arbres le temps de grossir, au détriment du gros bois si nécessaire en particulier à la construction. Le bétail et les porcs tassaient le sol, mangeaient les jeunes pousses.
La forêt, surexploitée était très appauvrie, couverte le plus souvent d’un maigre taillis. Elle n’avait rien de commun avec celle qu’on connaît aujourd’hui.