Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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LA PAGE DU SOURIRE

AU NOM DU SERVICE PUBLIC

   par François Mouton, Luc Delemotte (dessin)



---------Je vous l’ai dit et répété : si vous voulez vous payer une pinte de bon sang, allez à la Bibliothèque de Menou et plongez dans les archives de l’ami Luc. La Bibliothèque est le dernier lieu où l’on rit (c’est aussi un endroit très sérieux, ne déformez pas mon propos ) En voici en exemple de plus, tiré de la Revue de la Marne n°985 du lundi 24 juin 1850, rubrique Département de la Marne “ Sous titre “ Meuse
---------“ Qui aurait jamais pensé qu’à l’époque dans laquelle nous vivons, on pût encore croire à la sorcellerie ? Rien n’est plus vrai cependant et nous n’en voulons pour preuve que l’anecdote suivante, dont une lettre que nous venons de recevoir nous garantit l’authenticité.
---------Dimanche dernier, dans un village de l’arrondissement de Verdun, le gardien du taureau communal oublia de porter, à l’heure habituelle, la pâture journalière du pauvre animal qui, impatienté de ce retard, se débattit tant et si bien qu’il rompit son licol ; le premier usage qu’il fit de sa liberté fut de démantibuler, avec ses cornes, une baraque à lapins qui se trouvait dans l’écurie. La femme du gardien accourut au bruit ; mais elle n’eut pas plutôt aperçu le malencontreux taureau qui foulait impitoyablement sous ses vastes pieds le corps palpitant d’un des innocents habitants de la baraque détruite, que, saisissant un gourdin, elle en déchargea avec fureur plusieurs coups sur la croupe du dévastateur. Mais, peu accoutumé à ces façons brutales, le taureau se fâcha tout de bon, tomba sur ses voisins les bœufs, à coup de pied et à coup de cornes et bouscula tout dans l’étable ; ce que voyant la pauvre femme, elle appela au secours ; on arriva à ses cris et l’on eut grand peine à faire déguerpir de l’écurie le délinquant qui, s’en échappant, renversa chariots, charrues, en un mot, tout ce qui se trouva sur son passage Le Maire et l’Adjoint de la commune, que le tapage avait attirés sur le lieu de la scène, témoins des mouvements désordonnés de l’animal furieux, déclarèrent à l’unanimité, après quelques minutes de délibération, que le taureau était sorcier, tout au moins possédé du démon et qu’il fallait le conduire au presbytère, pour le faire exorciser.
---------On obéit en effet aux autorités municipales : le bœuf fut amené à Monsieur le Curé et requête fut faite de soumettre la pauvre bête aux formalités prescrites par le rituel. Le bon prêtre n’eut pas peu de peine, à ce qu’il paraît, à se débarrasser de tous ceux qui réclamaient l’exorcisme. Il y parvint enfin, mais si le taureau échappa à l’exorcisme, il ne put échapper au supplice. Condamné à mort comme sorcier, sur la proposition de Monsieur le Maire et de son adjoint, il fut aussitôt exécuté.
---------Ainsi, voici la commune privée du service de son taureau. On espère que Monsieur le Maire et Monsieur l’Adjoint, qui sont l’auteur du trépas de cet utile animal, s’empresseront de le remplacer.
---------L’ambiguïté de la dernière phrase, sans doute malicieusement voulue par le journaliste, a de quoi laisser perplexe. LAMARCK prétendait que “ la fonction crée l’organe Mais tout de même ! D’ailleurs, je doute fort que les principales intéressées eussent accepté une telle situation. Pas folles les vaches !

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