Un lecteur écrit à Catherine TRAUTMANN, Ministre de la Culture.
Madame la Ministre de la Culture,
Je vous ai entendue, hier, annoncer l’opération « Les portes de l’an 2000 », intervention répercutée dans la presse de ce matin.
Cette initiative m’a beaucoup surpris. En effet, je me bats (articles, interventions dans les sociétés savantes ...) depuis plusieurs mois, sur ce problème de calendrier que pose l’arrivée de l’an 2000.
En effet, imaginons que nous sommes dans une classe de cours élémentaire, pendant la leçon de calcul. La numération est à l’ordre du jour. Autrefois, on manipulait des bûchettes pour faire acquérir aux enfants la notion de dizaines, de centaines, de milliers.
Une dizaine de bûchettes (ou de haricots, ou d’années) compte dix bûchettes. En comptant, on va de 1 à 10 pour la première dizaine.
La deuxième dizaine va de 11 à 20. La vingtième bûchette appartient donc à la deuxième dizaine.
De même, la première centaine va de 1 à 100 bûchettes, la centième bûchette appartient à la première centaine. La deuxième centaine va de 101 à 200 et la deux centième bûchette appartient à la deuxième centaine.
Passons ensuite au premier millier qui va de 1 à 1000. La millième bûchette appartient au premier millier. Le deuxième millier va de 1001 à 2000 et la deux millième bûchette appartient au deuxième millier.
Autrement dit, l’an 2000 n’est que la dernière année du deuxième millénaire, dans lequel nous serons jusqu’au 31 décembre 2000 à minuit. A ce moment, nous basculerons dans le troisième millénaire, avec l’avènement du premier janvier 2001.
Que les restaurateurs aient volontairement ignoré ce raisonnement, dans un désir de réaliser un réveillon du siècle, le 31 décembre 1999 (avant de le renouveler le 31 décembre 2000) est compréhensible. Mais qu’un Ministère fasse la même erreur est, à mon sens, inadmissible.
Les Enarques et les X-Mines que doit compter le personnel de votre Ministère ont-ils à ce point oublié ce qu’ils ont appris à l’école primaire ? Votre collègue du Ministère de l’Education n’a-t-il pas été mis au courant de votre projet, c’est un scientifique qui aurait dû éventer l’erreur ?
D’un autre point de vue, ce changement de millénaire ne signifie pas grand chose. Les musulmans, les juifs n’ont pas le même point zéro, à partir duquel ils comptent les années. Notre point d’origine a été fixé par le calcul, avec une erreur de plus de quatre ans et bien longtemps après les faits supposés servir à authentifier le début de notre ère !
Marquer d’un cérémonial ce changement de millénaire, c’est tomber dans ce qu’on appelle le millénarisme, qui a servi aux approches de l’an 1000. Georges MINOIS traite ce sujet dans son livre Histoire de l’avenir, chez FAYARD, page 181 et suivantes.
Pour un être humain, il n’y a qu’une seule année qui compte : c’est celle de sa naissance qui, avec l’incidence de l’hérédité, de l’environnement (familial, professionnel, géographique ...) conditionne son espérance de vie, sa seule vraie richesse. Le reste n’est que littérature.
Hussard noir de la République, j’ai consacré plus de trente cinq ans à enseigner et à essayer , tant à l’école que dans des sociétés à but culturel, de dispenser une vision rationnelle des choses. C’est dire que votre décision m’a profondément ému et explique le ton de ma lettre. Y a-t-il beaucoup d’enseignants en activité capables, comme moi, à 75 ans, de s’émouvoir de votre décision et de vous en faire part ?
Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Gilbert MAHEUT
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Réponse du Ministère
Ministère de la Culture et de la Communication
Monsieur,
Vous avez bien voulu faire parvenir à Madame Catherine TRAUTMANN, Ministre de la Culture et de la Communication, un courrier concernant le changement prochain de siècle et de millénaire et la préparation des festivités officielles qui seront organisées pour célébrer l’avènement de l’an 2000.
Madame la Ministre m’a chargé de vous remercier de votre correspondance et m’a confié le soin de vous répondre.
Certes, comme vous le précisez, c’est bien la date du 1er janvier 2001 qui marquera l’aube du XXIème siècle et celle du troisième millénaire. Toutefois, depuis des décennies, l’an 2000 est ancré dans l’imaginaire collectif et dans le langage comme un symbole de changement à connotation futuriste.
C’est donc ce symbole qui sera célébré et les nombreuses manifestations, loin de se limiter à l’espace d’une nuit, se prolongeront tout au long de l’année et culmineront le 31 décembre 2000. Toute cette période sera l’occasion pour que soit dissipée l’erreur que vous évoquez dans votre courrier.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes meilleurs sentiments.
René-Jacques MAYER