Pourquoi s’intéresser à la famille GALLI plus qu’à une autre ?
Parce que son histoire, liée à celle de notre cité depuis près d’un siècle, présente des caractères exemplaires qui touchent à l’émigration italienne. Parce que ses représentants ont tenu une place intéressante et constante dans l’économie de Sainte-Ménehould.
L’émigration italienne apporte, dès la fin de la première guerre mondiale, une main d’œuvre qui doit, à la fois compenser les pertes en vies humaines (1,4 millions de morts “ 0,7 millions de mutilés), permettre la reconstruction du pays et, plus généralement, accompagner le développement économique qui prend un essor considérable.
L’Italie, où le travail manque, où les familles sont fort nombreuses, traverse une crise morale qu’aggrave une crise économique, conséquence de l’effort disproportionné que la guerre lui a imposé (fermetures d’usines, déficit budgétaire, effondrement de la Lire, grèves sanglantes). Le fascisme s’installe progressivement ; il s’impose en 1922. Nombreux sont les jeunes hommes qui quittent une terre qui ne les nourrit plus et ne leur promet aucun avenir. Ils se dirigent, en priorité, vers les Etats-Unis, la Belgique et la France. Ils arrivent, comme on dit, avec leur seul baluchon sur le dos. Leur courage, leur sobriété, leur volonté d’assimilation leur permettra généralement de réussir dans leur pays d’adoption. Cinq décennies plus tard, leurs descendants sont parfois aux premières loges dans le domaine politique (STASI), sportif (PLATINI), culturel (REGGIANI “ PICCOLI ...). Cette assimilation parfaite va générer une grande diversité de professions pour la seconde génération. Si les primo arrivants sont toujours maçons ou mineurs (des villes entières de Lorraine, comme Villerupt étaient italiennes), leurs enfants, comme tous les autres Français, embrasseront les professions de leur choix, ou que les circonstances leur imposeront. Et il en sera ainsi pour les GALLI.
Mais tout n’a pas été facile. La xénophobie régnait déjà en 1920. La réussite des Italiens, économes, vite propriétaires, aiguisa les jalousies et une défiance s’exprimait contre les « Macaroni [1] ». Et la seconde guerre mondiale attisera la défiance.
Quand Pierre épouse Marie, en cette fin de 19ème siècle, il sait que la vie ne sera pas facile. Certes, Plésio [2], son petit village natal, niché dans les hauteurs qui dominent le lac de Côme, ne manque pas de charme, mais la terre ne permet pas de nourrir les familles nombreuses que chaque union génère. La ville Côme, à quarante kilomètres, n’offre pas d’emplois aux jeunes ruraux pléthoriques qui doivent s’expatrier. C’est le lot de Pierre, à la fois agriculteur et tailleur de pierres, qui va faire des saisons en Allemagne. Il revient dans sa Lombardie natale en hiver et c’est à ce moment que sont conçus les enfants qui naissent tous à la même période de l’année. Travail, amour, famille, tout est imprégné par cette transhumance obligée. Des enfants, Pierre et Marie en auront huit vivants : quatre filles qui resteront en Italie et quatre garçons dont nous allons suivre les destinées fort semblables. Joseph, né en 1894, Antoine, né en 1900, Marc en 1904 et Attilio en 1906.
Après la grande guerre, Joseph, qui a donc 24 ans, et ses frères vont partir, comme leur père, travailler à l’étranger. On les retrouve dans les mines de l’Est à Merlebach, puis dans les Ardennes, comme maçons. Ils repartent l’hiver en Italie, où chacun se marie avec une payse.
Pour des raisons non élucidées, ils vont venir travailler à Sainte-Ménehould, y feront venir leur femme et s’installeront définitivement.
Tout comme les trois mousquetaires, ils sont quatre : Joseph, Marc, Antoine et Attilio, mais ils ne seront que trois à faire souche à Sainte-Ménehould.
Joseph, l’aîné, arrive le premier dans la capitale de l’Argonne. En 1921, il est tâcheron chez Auguste BISTER, couvreur installé route de Chaudefontaine (son épouse y réside encore). En 1927, il crée une entreprise de maçonnerie avec son frère cadet Antoine, puis chacun vole de ses propres ailes. L’entreprise artisanale de Joseph compte quatre à cinq ouvriers. Il réside tout d’abord rue de Verrières, puis dans le quartier du Milanais. Mais Joseph n’a pas une grande santé. Il a été gazé lors de la première guerre mondiale. Son affection fait le lit de la tuberculose. Il décédera en 1948. Marié avec Adèle, il laisse une veuve qui décédera en 1974 et deux filles. Nous en reparlerons.