Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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QUE LA LUMIERE SOIT !

   par René Delaval



Avant de prendre, en 1975, une retraite bien méritée, Monsieur René DELAVAL était technicien à E.D.F. et exerçait dans la région de Sainte-Ménehould. Plus de quarante années passées au service de la collectivité, qu’il a résumées en une centaine de récits relatant quelque unes des anecdotes qui ont émaillé son vécu professionnel. Un métier pénible et dangereux, exercé avec courage, dévouement, solidarité, mais aussi une grande joie de vivre. Le plus difficile, pour moi, a été de faire un choix, car tous les récits de Monsieur DELAVAL sont également intéressants. La lecture de ce document humain a été un véritable plaisir et m’a rappelé beaucoup de souvenirs. Place à l’auteur !
F. MOUTON

PHARE DE CONTAULT


De la neige, un vent très violent et moins vingt huit degrés...
Un phare militaire est installé sur une butte, près de Contault-le-Maupas et émet un signal, la nuit, pour guider les avions. Il est alimenté par un groupe électrogène et nous devons le raccorder au réseau BT qui dessert le village.
La ligne aérienne est faite depuis quelques jours et s’arrête sur un poteau en bois, près du phare. Il faut faire le branchement, c’est-à-dire fixer un câble le long de ce poteau, le raccorder au réseau, ainsi qu’au compteur qui se trouve dans une armoire extérieure.
Je suis perché sur le support, avec un collègue venu en renfort. Il s’appelle Albert JEANNOT et vient d’Heiltz-le-Maurupt. Nos pieds sont serrés par les sangles des grimpettes et le sang ne circule pas bien ; on a l’impression d’avoir des glaçons dans les bottes.
Je m’aperçois qu’Albert a le visage congestionné et qu’il saigne du nez. Bien que nos visages soient à peu près à un mètre l’un de l’autre, il y a tellement de vent que nous ne nous entendons pas parler. Je lui passe un doigt sous le nez et lui montre qu’il perd son sang - il ne s’en est pas aperçu - et lui fait signe de redescendre. Les soldats, qui sont terrés dans leur casemate se sont occupés de lui.
Avec le CDD, nous achevons le travail et à notre tour, gelés, abrutis par le vent, nous descendons retrouver Albert, où il fait plus de vingt degrés. « Allez, mon gars, bois ça, çà te réchauffera ! » ; en effet, un poilu me tend un quart de vin brûlant, ça fait du bien.
Vous devinez la suite : une trop grande différence de température, du vin chaud, c’était assez pour que je sois pompette et au retour, dans la cinq chevaux « Citron », je vous assure que je n’ai pas eu froid.
Seulement, j’avais eu les oreilles gelées et quelques jours plus tard, des lambeaux de peau morte sont tombés. J’étais chouette avec çà ! Je m’en suis ressenti plusieurs hivers de suite.

LE FUSIL MITRAILLEUR


A ce camp de Contault, une histoire nous est encore arrivée qui a failli mal tourner.
Nous avions un travail à terminer chez un abonné, à Contault, et je devais faire signer par un officier du camp, un papier concernant des travaux que nous avions exécutés à Possesse, pour l’armée allemande.
Je pénètre dans le camp, en laissant ma bicyclette à l’extérieur. Une sentinelle me fait entrer dans un bâtiment et me fait asseoir sur une chaise dans le couloir. Un soldat prend mon papier et me laisse seul.
Pendant une heure, je ne vois pas âme qui vive ; je commence à trouver le temps long. Je frappe à plusieurs portes, sans réponse. Une demi-heure après, je sors, la sentinelle me chope au passage ; je l’enguirlande mais il ne comprend pas. Il s’est quand même rendu compte que je n’étais pas content et me fait entrer dans le poste de garde, situé près de la route.
Le temps passe et Louis est de retour. Il entre dans le poste, me demande ce que je fais là et discute avec la sentinelle, qui comprend enfin que nous attendons un papier pour repartir. Il s’en va et nous nous retrouvons tous les deux assis sur un banc, dans ce poste.
Un moment se passe, en silence ; devant nous, il y a un râtelier d’armes de toutes sortes, dont un fusil mitrailleur français. Louis se lève et me dit en le désignant : « c’est avec çà que je me suis battu à Frouard, c’est une belle arme, sais-tu comment çà fonctionne ? » Avant que je ne réponde, il avait déjà saisi le fusil, l’avait installé sur son trépied, emboîté un chargeur, s’était mis à plat ventre et épaulait au milieu du poste. J’avais beau lui dire que çà ne m’intéressait pas et que si la sentinelle revenait, ça pourrait aller mal, il continuait son exhibition.
A ce moment, une tête casquée apparaît à la porte vitrée et disparaît bien vite. Louis, se rendant compte que çà pourrait aller loin, eût vite fait de remettre tout en place. Six soldats armés arrivent au poste avec hésitation et se mettent à rire quand ils nous voient assis sagement sur le banc !
J’ai quand même récupéré mon papier aussitôt, et nous sommes repartis sans être inquiétés.
Avouez que je n’avais pas de chance avec les sentinelles du camp de Contault, mais je crois que nous l’avons échappé belle !


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