Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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La page du poète

LES CONFITURES.

André THEURIET, Poèmes rustiques.

   par Nicole Gérardot



André Theuriet n’est pas Argonnais puisqu’il est né à Marly-le-Roi en 1833. Il devint Meusien quand son père, fonctionnaire, fut nommé à Bar-le-Duc. Amoureux du Barrois, il devint « le chantre » de la nature et des forêts, mais aussi le chroniqueur incontesté de cette province.
Romancier, essayiste, poète, André Theuriet nous laisse une oeuvre considérable. L’action de certains de ses romans se situe en terre d’Argonne : Madame Véronique, Le secret de Gertrude, La Chanoinesse, La soeur de lait
Ses recueils de poésie sont une délicate et sensuelle évocation des plaisirs et des jours, des peines et des joies de la vie à la campagne. Voici, tiré des « Poèmes rustiques », « les confitures », qui évoquent si bien les plaisirs de la vie champêtre au fil des saisons.

A la Saint-Jean d’été les groseilles sont mûres.
Dans le jardin vêtu de ses plus beaux habits,
Près des grands lits, on voit pendre sous les ramures
Leurs grappes couleur d’ambre ou couleur rubis.

Voici l’heure. Déjà dans l’ombreuse cuisine
Les pains de sucre blancs, coiffés de papier bleu,
Garnissent le dressoir où la rouge bassine
Reflète les lueurs du réchaud tout en feu.

On apporte les fruits à pleines panerées
Et leur parfum discret embaume le palier ;
Les ciseaux sont à l’œuvre et les grappes lustrées
Tombent comme les grains défilés d’un collier.

Doigts d’enfants, séparez sans meurtrir la groseille
Les pépins de la pulpe entr’ouverte à demi !
La grave ménagère, attentive, surveille
Ce travail délicat d’abeille ou de fourmi.

Vous êtes son chef-d’œuvre, exquises confitures !
Dès que l’été fleurit les liserons du seuil,
Après les longs travaux : lessives et coutures,
Vous êtes son plaisir, son luxe et son orgueil.

Que le monde ait la fièvre et que sa turbulence
Gronde ou s’apaise au loin, la tranquille maison
Toujours à la Saint-Jean, voit les plats de faïence
Se remplir de fruits mûrs et prêts pour la cuisson.

Le clair sirop frissonne et bout ; l’air se parfume
D’une odeur framboisée. Enfants, spatule en main,
Enlevez doucement la savoureuse écume
Qui mousse et perle au bord des bassines d’airain !

Voici l’œuvre achevée. La grave ménagère
Contemple fièrement les godets de cristal
Où la groseille brille, aussi fraîche et légère
Que lorsqu’elle pendait au groseillier natal.

Les grappes maintenant bravent l’hiver. Comme elles,
La ménagère échappe aux menaces du temps ;
La paix du cœur se lit dans ses calmes prunelles,
Et son front reste lisse et pur comme à vingt ans.



La cueillette des groseilles


(Illustration tirée de l’ouvrage « Le secret de Gertrude » de André Theuriet)

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