Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Ménéhildien d’hier

Raymond AUBIN : un courage à toute épreuve.

   par François Duboisy



Raymond Aubin pendant la première guerre (sous la croix)


Ayant rapidement compris que son infirmité, qui s’aggrave, lui rendra pénibles certains services de surveillance, il se remet au travail avec acharnement, pour acquérir des titres qui lui permettront de se voir confier des heures d’enseignement. C’est un nouveau genre d’études qu’il lui faut entreprendre, totalement différentes de celles de sa jeunesse, avec des livres en Braille et loin de la Faculté : on ne sait
vraiment ce qu’il faut le plus admirer de sa brillante conduite à la guerre, ou de cet exemple d’énergie qu’il a donné à tous ceux qui l’entouraient, dans la préparation de deux certificats de licence, un de latin, un d’histoire, alors qu’il a quarante ans et qu’il est presque totalement aveugle. Quelle leçon ! et peut-être la plus belle pour les enfants qui lui étaient confiés. Ceux-ci l’ont bien comprise qui, même les plus indisciplinés, ont toujours respecté le calme de la petite étude et écouté sagement les enseignements qu’il pouvait dès lors prodiguer. M. Aubin accéda dans les plus brefs délais au dernier échelon des adjoints d’enseignement.

Raymond Gérardot se souvient.


Dans les années cinquante, quand on avait poussé la lourde porte d’entrée, traversé le hall après avoir montré patte blanche à la concierge Me Legrand, on pénétrait alors dans une grande cour carrée fermée de tous les côtés.
Au fond, face à la porte d’entrée, se tenait la grande étude et sur la gauche, donnant sur le préau, se trouvait une salle plus petite, froide, triste, mal éclairée.
C’était la petite étude.
C’est là que Monsieur Aubin, professeur de latin, assurait les permanences et les études surveillées. M. Aubin était malvoyant mais avait l’ouïe fine
Dès que nous étions installés à nos tables, il sortait son stylet et notait en « Braille » le nom de chacun. En face de cet homme que la cécité n’avait pas exclu de la vie active, nous étions gênés et intrigués.
En fait, M. Aubin distinguait les ombres et malheur à celui qui se déplaçait ou qui faisait passer un livre, un document sans autorisation et même chuchotait avec ses voisins.
Puis la cloche sonnait marquant la fin de l’étude et nous sortions dans le calme.
J’ai gardé un bon souvenir de cet homme sévère, exigeant mais juste qui était aimé et respecté de tous.



On comprend que l’Administration ait rapidement reconnu de tels services et récompensé un tel mérite. La rosette d’officier de l’Instruction publique vient dire en quelle estime le tiennent ses chefs. Mieux peut-être que ces marques officielles d’une fonction consciencieusement remplie, faut-il retenir ces louanges entendues dimanche dernier, à l’annonce de son décès, dans la bouche de ses anciens élèves, réunis pour l’Assemblée Générale de leur association.
Dès le début, il s’est reconnu citoyen de Sainte-Ménehould, il y devint propriétaire, il y fait souche. En 1939, tout le personnel du collège étant à peu près mobilisé, c’est lui qui, à la demande de l’Inspecteur d’Académie, reconstitue un établissement qui fonctionnera jusqu’à l’exode. Puis c’est l’occupation, des années dures et longues, puis la Libération. Comme si le destin ne l’avait pas suffisamment éprouvé, il perd sa compagne. Sa santé s’altère, malgré les soins vigilants et le dévouement constant d’une affection retrouvée peu après. Usant alors d’un droit accordé aux victimes de guerre, il prend un congé il y a un an, au terme duquel il comptait demander sa mise à la retraite, pour jouir d’un repos rendu désormais nécessaire.
Malheureusement, les forces humaines ont des limites que sa volonté si robuste et son énergie des plus tenaces n’ont pu reculer. Monsieur Aubin n’est plus, mais nous saurons trouver et conserver pieusement dans le fidèle souvenir d’une existence si bien remplie, toute faite de travail, de sacrifices et d’abnégation, un haut exemple de vaillance et de dévouement."

Monsieur Aubin fut mis en terre sans la présence de ses deux filles établies en Afrique, qui firent diligence pour regagner la métropole mais qui ne s’inclinèrent sur sa tombe que quelques jours plus tard.
Le souvenir de cet homme d’exception est entretenue par sa fille Madame Caminade qui habite toujours la maison familiale dans le quartier des Six frères.


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