AGATHE ET GERMAINE
Avec beaucoup d’humour, Germaine commence le récit en disant : « C’était nos vacances !... de drôles de vacances ! »
"Nous sommes partis en début d’après-midi.
Un autocar nous a emmenés jusqu’à Heiltz le Maurupt. Nous étions avec nos parents et notre sœur Rose. Comme maman ne marchait pas, nous l’avons transportée dans une brouette récupérée en cours de route. Notre sœur Rose voulait toujours avancer, il fallait filer, filer et à pied ! on avait des baluchons : un peu de linge et de nourriture. On ne nous avait rien dit à propos de cet exode, mais ceux qui nous envoyaient sur les routes ne le savaient pas non plus !
On dormait dans les granges. Un jour, ma sœur a arrêté des soldats français, bien convenables ma foi. Nos parents sont montés dans le camion avec eux. Les soldats les ont déposés sur la place du village de Montier-en-Der. C’est là que nous les avons retrouvés. Nous sommes allés jusqu’à « Colombey la Fosse » en Haute marne. Les Allemands nous ont rattrapés et même dépassés. Ils nous ont donné du pain noir. On l’a trouvé bon ce jour là !
Il fallait maintenant rentrer à Villers. Une bonne moitié du village était debout et les « soutries » (décombres) brûlaient encore ! On a retrouvé les bêtes à Passavant, à Eclaires, comme ça, dans la nature. Les vaches n’avaient pas été traites pendant 15 jours, mais petit à petit, ça s’est arrangé !
Notre maison avait brûlé et nous avons été hébergés chez « La Rolande » jusqu’à ce qu’on nous donne un baraquement.
L’évacuation a été une période très difficile de notre vie vous savez ! Nous avions 18 et 19 ans. La jeunesse, chez nous, ça n’a pas existé !"
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CHARLOTTE
Nous sommes partis à 17 heures avec mon père et Louis mon mari. M. et Mme Guillaume et leur fille Simone, Denise Fauquenot et ses parents étaient avec nous.
Deux chariots se suivaient ; Louis conduisait le premier, M. Guillaume le second. On avait emporté de l’avoine pour les chevaux et un peu de nourriture. Je me souviens qu’on avait fait cuire un coq.
Le 1er jour, nous sommes allés jusqu’à Noirlieu et nous avons dormi dans un tas de foin. Les jours suivants nous avons dormi dans des granges sur la paille.
Un jour on s’est arrêté dans une ferme, en haut d’une côte. J’ai vu un Allemand tuer six soldats français à la mitraillette.
Les Allemands nous ont séparés vers « Laigne » en Côte d’Or. On s’est installé dans une maison vide et on a dormi là. Le lendemain nous avons pris le chemin du retour. Quand on est arrivé à La Neuville aux Bois, l’Emma qui était parente avec Louis nous a dit : « A Villers il ne reste rien, tout a été détruit ! » Elle nous a donné trois poules avant de partir pour nous remonter en ménage.
En arrivant dans le village, on est passé devant la maison. Il ne restait rien. Plus rien ! On est allé chez mes parents à la boucherie et on a vécu là jusqu’à ce qu’on nous construise un baraquement.
Il a fallu se remettre au travail ! En allant récupérer les animaux perdus dans les bois, nous avons découvert des soldats sénégalais tués lors des combats des 14 et 15 juin.
Cette période de ma vie m’a profondément marquée. J’y pense souvent.
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IDE
"Nous sommes partis comme les autres le 11 juin 40 avec un cheval et un chariot. J’étais avec ma mère, ma sœur, les enfants et Michèle, une petite de 3 mois. On a emporté tout ce qu’on pouvait : des habits, un peu de nourriture et mon vélo ! On dormait sous le chariot.
La première étape a été Noirlieu. Ensuite je n’ai pas trop de souvenirs.
Un soir, on a trouvé des soldats français qui nous ont offert de la soupe. Moi qui n’aimais pas ça, je ne l’ai jamais trouvée aussi bonne ! Un jour, ma mère est partie chercher du pain et elle s’est perdue. Vous pensez ! Une pareille pagaille !
Je me souviens l’avoir cherchée partout. Nous nous sommes retrouvées par hasard en fin de journée ! Elle avait suivi des gens qu’elle connaissait. On est allé jusqu’à « Willy en Traude » dans l’Aube. Là on est resté deux jours, installées dans la paille. Nous, on n’a pas vu beaucoup d’Allemands.
Puis ce fut le retour. Pour rentrer à Villers, je suis allée demander un « ausweis » au bureau allemand pour passer la ligne de démarcation qui était à la gare de Villers-Daucourt. L’Allemand m’a répondu « Melle, vous resterez ici ! » Je me suis dit : « Tu peux toujours courir » et dès le lendemain, sans rien demander à personne, j’ai pris le vélo et je suis partie. On m’a laissé passer et me voilà toute seule à Villers. J’ai récupéré tout ce que j’ai pu et j’ai vécu chez tante Camille. Quand ma mère est rentrée, nous sommes allées habiter dans notre maison au bout de Villers. La vie a continué."