Beaulieu-en-Argonne fut fondé vers 640 par un moine d’origine écossaise nommé Rodrigue. La légende rapporte que celui que l’on nomme Saint-Rouin, désireux de solitude, avait choisi de s’implanter en pleine forêt d’Argonne.
Avec quelques compagnons, il avait édifié une cabane aux alentours. Le maître de la seigneurie voisine, Austrasius le fit expulser par ses hommes d’armes. Après une période d’exil, Rouin revint, lui pardonna et le guérit ainsi que sa famille de maux étranges. En remerciement, le seigneur lui offrit sa forêt.
Saint-Rouin établit au village un monastère prospère. Dix-huit villages doivent leur naissance aux défrichements opérés par les moines de Beaulieu, dont le domaine, ayant titre de comté dépendait du baillage de Châlons et de là au Parlement de Paris. Exaspérés d’être pillés par le comte de Bar, les moines se tournèrent, à la fin du XIIIème siècle vers le Parlement de Paris. En appelant au roi de France, il y eut une guerre qui se termina en 1301 par un traité reconnaissant la suzeraineté de Philippe le Bel sur la région.
Brûlée et pillée, l’abbaye dut encore subir des catastrophes successives causées par des bandes armées de pillards. Les Huguenots brûlèrent l’abbaye qui passa alors de mains en mains, dont celles du seigneur de Passavant. Après la reconstruction, ce fut une nouvelle destruction causée par des protestants venus d’Allemagne. Les moines se retirèrent à Brizeaux où ils menèrent une vie sans règle ni discipline.
La fin du XVIème siècle verra une reprise en mains par la hiérarchie religieuse des couvents et monastères. Les religieux de Saint-Vanne de Verdun prennent possession des bâtiments et des terres. L’église abbatiale est reconstruite de même que la chapelle de l’Ermitage. Le brigandage amène la terreur et la peste. En 1643, un « gouverneur de Beaulieu », nommé par Richelieu saura gagner l’affection des moines et continuer l’œuvre de reconstruction. En 1709, les religieux viennent au secours de la population menacée par la famine, avant de subir les excès du major hollandais Growenstein.
A la Révolution, la Constituante s’empare des biens du clergé et des communautés religieuses. Terres et fermes sont vendues. Les 1000 hectares de bois deviennent propriété de l’Etat. Les édifices sont démolis et les pierres récupérées par les habitants. On retrouve les stalles des moines dans l’église d’Autrécourt (55), l’autel et le baldaquin dans celle de Jubécourt (55). Les digues des 15 étangs sont détruites. Le reste du foncier deviendra propriété des habitants de Beaulieu et des villages voisins. On peut encore voir quelques bâtiments des communs de l’abbaye. L’un d’eux abrite l’exceptionnel pressoir du XVIIIème siècle sauvé par les moines et les habitants d’alors et ensuite, en 1921, par le Président de la République, Raymond Poincaré, à la demande de l’institutrice du village.
Denis Marquet
- Sources : Le guide de l’Argonne, La Manufacture Cendrée, Argonne 1680-1980 de Jacques Hussenet
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