Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Adoptions et aides aux Villages du canton de Sainte-Ménehould.

Suite à la guerre de 1914-1918

   par Dominique Delacour



Comme indiqué dans un article du numéro précédent, les villages du canton de Ville-sur-Tourbe ont subi des destructions presque totales suite à la guerre 1914-1918. Vu sous cet angle les choses sont claires et il y a peu de cas particuliers.
Par contre, dans le canton de Sainte-Ménehould, les villages sont plus ou moins touchés, voire même pas du tout. Ceux se trouvant à moins de vingt kilomètres du front, soit environ jusqu’à la R.D. n°3 Châlons-Sainte-Ménehould, sont exposés aux tirs d’artillerie tout au long du conflit. L’aviation occasionne également des dégâts là où sont établies des infrastructures telles que terrain d’aviation, voie ferrée, gare, hôpital, etc...
Dès septembre 1914, lors de l’invasion ennemie jusqu’au sud du département de la Marne et aux portes de Paris, deux villages de l’arrondissement de Sainte-Ménehould sont incendiés. Le 4 septembre, dès leur arrivée, les Allemands mettent le feu à Somme-Tourbe sans motif connu. Seules l’église et une maison sont épargnées. Le 6 septembre, soit deux jours après l’invasion, ce fut au tour de Auve, village du canton de Givry-en-Argonne, d’être presque entièrement rayé de la carte. Les explications vont suivre.
Comme dans le canton de Ville-sur-Tourbe, certains villages sont adoptés par des localités du département d’Alger suivant des directives mises en place par les préfectures et les départements. Pour comprendre pourquoi tel village a été adopté et aidé et pas un autre, il faut connaître l’état des lieux, essayer d’évaluer le degré de destruction et analyser tous les cas particuliers.
Voici les sources et les pistes pour arriver à ce résultat :

- Les archives départementales possèdent des données en ce qui concerne les aides et les adoptions. Mais pour l’état des lieux, village par village, il faudrait consulter un grand nombre de documents dont les journaux d’époque. Travail énorme pour des résultats modestes.
- Les archives municipales apportent très peu de réponses, voire pas du tout.
- Les témoignages oraux transmis sont bien sûr indispensables mais sont clairsemés et parfois contradictoires.
- Les livres régionaux apportent quelques informations mais il faut les recouper, les vérifier et parfois les corriger. Un exemple, certes peu courant : le livre « La guerre en Champagne au diocèse de Châlons » sous la direction de Monseigneur Tissier, alors évêque de Châlons, donne deux versions sur les dégâts infligés à Saint-Jean-sur-Tourbe avant août 1915. Sur un article signé L.R., il est peu endommagé et plus loin, un autre article non signé, voit le village presque détruit. Il y a eu probablement confusion avec Somme-Tourbe.
- Internet n’est pas très loquace en ce qui concerne ces recherches.
- Les Croix de guerre sont de bons indicateurs. En effet, les villages ayant subi des destructions allant de faibles à totales l’ont reçue. Mais cette croix est remise aussi à quelques villages n’ayant apparemment pas été touchés. Cela pose la question des critères d’attribution. Il faut savoir que beaucoup de villages à l’arrière ont logé des troupes allant ou revenant du front tout au long du conflit. Cela a généré beaucoup de nuisances et des dégradations. C’est peut-être une des raisons des Croix de guerre accordées à des villages non touchés directement par l’ennemi.
- Enfin les cartes postales de cette époque sont une source de données forcément fiables et elles apportent d’intéressantes réponses.

Localités du département d’Alger ayant aidé des villages des deux autres cantons


Canton de Sainte-Ménehould et de Givry-en-Argonne
Villages donateurs du département d’Alger


(1) “ Si le village est souligné, il a reçu la Croix de guerre.
(2) “ Les pourcentages de destruction évalués d’après les renseignements sont approximatifs.

Autres villages du canton de Sainte-Ménehould plus ou moins touchés et aidés

(1) “ Si le village est souligné, il a reçu la Croix de guerre.
(2) “ Le 26/03/1922, le maire Francart envoie une lettre au sous-préfet de Sainte-Ménehould pour demander de l’aide.
(3) “ Ces deux villages ont eu leur nom inscrit à part sur une liste de villages aidés mais il n’y a pas de trace écrite de don.

Courtémont :
Le village a subi peu de dégâts pendant cette guerre. Cependant 4 villages du département d’Alger l’ont adopté. Pourquoi ?
Georges Caquot, l’ancien maire, dans un article du journal L’Union daté du 29/07/2002, rapporte ceci : « Je pense que c’est à cause des nombreux tués dans les régiments de la coloniale où figuraient antre autres des Français musulmans d’Algérie ». En effet, des régiments coloniaux, dont le 22ème et le 24ème, ont eu leur base arrière à Courtémont pendant la guerre. Il est probable que les contacts entre des populations françaises d’origines différentes aient créé des liens amenant des adoptions encouragées en haut lieu. Il peut y avoir aussi d’autres raisons qui nous échappent.
Courtémont, en signe de reconnaissance, a baptisé 4 rues du nom des 4 localités donatrices. Bien plus tard, dans les années 1990, les souvenirs s’étant progressivement effacés, ces noms à consonance arabe ont été remis en cause. Plusieurs années de palabres, de discussions animées et contradictoires ont amené le Conseil municipal à changer le nom de ces rues en septembre 1998. Cela a été fait à une époque où les communes étaient invitées à donner un nom aux rues et à numéroter les maisons pour faciliter les rencontres et la distribution du courrier.
Nom donné dans les années 1920 :Nom à partir de 1998 :
Rue Oued FoddaRue de la Mairie.
Rue Dra el MizanRue de l’église.
Rue de Camp du MaréchalGrande rue.
Rue Oued el AlleugImpasse des marronniers.

Auve :
Auve a été envahi le 4 septembre 1914 par les Uhlans. Le 6 septembre d’autres Allemands, occupant des villages de la vallée de l’Auve, sont venus y mettre le feu, timidement empêchés par ceux basés au village depuis 2 jours. Pourquoi ? On a parlé de vengeance pour des faits antérieurs au conflit : des gendarmes de Auve auraient été un peu trop zélés et sévères envers des Allemands conduisant des troupeaux d’ovins vers l’abattoir de La Villette à Paris avant la guerre. Mais, sans preuves vraiment solides, cet incendie reste une énigme.
D’ailleurs pendant les conflits beaucoup de forfaits ont été perpétrés par des chefs locaux, de leur propre initiative. Les maisons de la route vers Sainte-Ménehould où les Allemands étaient déjà installés ont été préservées, ainsi que la boulangerie, le pâté de trois maisons où leur central téléphonique était installé et les maisons aux extrémités des rues pour servir de guet.
Les besoins essentiels des villages détruits étant pris en charge par les dommages de guerre, le Conseil municipal d’Auve a dû chercher pour trouver une affectation à ces dons. Ils ont décidé l’achat d’un compendium et d’une carabine pour tir scolaire. La rente de la somme allouée servira à couvrir 2 livrets de Caisse d’épargne et une partie de la rente récompensera les élèves ayant eu le certificat d’études ? Cela s’est fait jusqu’en 1948.
Une place publique sera aménagée et prendra le nom de « Place de l’Arba », inscrit sur une plaque de fonte. Elle est toujours là sur un battant du porte-rue au 17 rue de la Mairie.
Il est clair que ces dons venant de régions avec une partie de la population dans le besoin, voire dans la misère, ont servi à des réalisations secondaires dans le contexte de l’époque. En a-t-il été de même pour d’autres villages ? Chaque cas est particulier mais doit avoir des ressemblances avec la situation relatée à Auve.

Daucourt :
Trois localités ont adopté Daucourt. Pourtant, visuellement et d’après les quelques renseignements collectés, ce village n’a pas été touché pendant le conflit. D’ailleurs c’est le seul village à avoir été adopté sans avoir reçu la Croix de guerre.
La carte ci-dessous situe trois structures qui ont eu un rôle important tout au long de la guerre : la ligne de chemin de fer n°4 bis, créée en 1915 pour les besoins de l’arrière front et rejoignant la ligne principale et surtout l’hôpital et le terrain d’aviation dénommés « de Villers-Daucourt ». Ont-elles subi des dégâts causés par l’aviation ennemie ? Pas de réponse...
D’autre part l’activité liée à ces implantations, favorisant les contacts entre population locale et troupes militaires, peut donner des réponses similaires à la situation de Courtémont adopté par 4 villes algériennes, françaises à cette époque.

Sources : Archives départementales de Châlons, série 4 Z 224 et 4 Z 225.

Remerciements à :
Jean Maigret et Dominique Bourelle pour la mise en page.
Serge Franc, réalisateur des trois cartes des n° 68 et 69.
Guy Zancan qui a cherché dans les archives communales du canton de Ville-sur-Tourbe, malheureusement très peu renseignées.
Florence Hussenet qui a pallié à mes carences en informatique.
Daniel Piot, Gabriel Dez, Jean-Pierre Thirion et Marie-Jo Guyot pour les clichés et informations diverses... et à tous ceux qui ont répondu à mes demandes et communiqué des informations ; merci.

Dominique Delacour

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Association déclarée le 06 février 1998
Siège social : Hôtel de ville
B.P. 97- 51801 Sainte-Ménehould