Une photo de procession sans légende, voilà de quoi intriguer. En regardant les maisons détruites sur la droite après le pont, ou encore celle de gauche, on peut dire que cette photo a été prise juste après la
seconde guerre mondiale. Ces maisons avaient été détruites lors de l’avancée allemande en juin 1940 et ne seront rebâties qu’au début des années 60. Le pont, quant à lui, avait été reconstruit pendant l’occupation.
Mais que faisait donc ces personnes ? Au fond du cortège on aperçoit une chose blanche, ressemblant à une barque. Et une autre photo montre un arc de triomphe placé rue Chanteraine avec en haut... une barque.
Quelques renseignements donnés par des seniors, un petit tour sur internet, et la procession pouvait prendre un nom : le Grand Retour de Notre Dame de Boulogne. A Boulogne, au bord de la Manche, une crypte, certainement la plus grande de France, accueille la statue de Notre Dame de Boulogne. La tradition relate l’arrivée d’une statue miraculeuse de la vierge sur le rivage boulonnais ; c’était en 639, à l’époque du roi Dagobert. Malheureusement la statue en bois fut brûlée à la Révolution Française.
Le Grand Retour, c’est quatre processions qui vont sillonner la France de mars 1943 à août 1948 avec quatre statues, quatre reproductions différentes de la statue de Boulogne ; Sainte-Ménehould n’est pas marqué sur les itinéraires mais doit vraisemblablement se situer dans ’l’itinéraire centre", l’itinéraire de la 3ème procession passant par Verdun et Reims avec une référence, octobre-novembre 1946, ce qui correspond à la photo.
La statue, toute blanche, atteint dans sa barque deux mètres de haut ; ce sont alors prières, messes, avec lecture à haute voix du texte de la consécration de Marie ; les feuillets signés sont déposés dans la barque avec des offrandes ou avec un billet comportant une demande. On dit aussi que les rues étaient décorées de draps blancs piquetés de fleurs. En regardant bien la photo, on verra sur la maison de droite des volets recouverts de draps fleuris. Les rues sont également décorées de guirlandes fleuries, comme on le voit derrière l’arc de triomphe.
Un senior de Menou se souvient avoir participé à cette procession. La statue venait de La Neuville-au-Pont (elle arrivait de la route de Vouziers) et les jeunes Ménéhildiens l’ont accueillie en haut de la route de Chaudefontaine. Puis le cortège est monté sur la butte du Château où les jeunes ont veillé la statue toute la nuit. Le lendemain, d’autres jeunes ont accompagné la statue vers sa nouvelle destination.
C’était l’époque des processions. Les quatre statues auraient parcouru 120 000 km et traversé 16 000 paroisses. Vu le nombre de personnes à Sainte-Ménehould, on peut dire que cette procession fut une des plus importantes que la ville ait connue.
John Jussy