Certains ouvrages qualifient Nicolas-Joseph Beaurepaire de commandant, d’autres de lieutenant-colonel, d’autres encore de général, mais curieusement jamais du grade intermédiaire entre ces
deux derniers, celui de colonel. Nous écarterons donc cette dernière hypothèse. Mais quelle est la plus plausible des trois autres ?
Lorsque celui-ci prit sa retraite en juin 1791, il était capitaine. Lorsqu’il reprit du service, après son élection à la tête du premier bataillon des volontaires de Mayenne et Loire en octobre de la même année, il fut nommé Lieutenant-Colonel.Belle promotion ! Quand il fut enterré à Sainte-Ménehould le 3 septembre 1792, l’acte mortuaire fut ainsi conçu : « le 2 septembre (1792) est décédé à Verdun, Nicolas Beaurepaire, Commandant du premier bataillon de volontaires de Mayenne et Loire, et commandant militaire de la ville-citadelle de Verdun, âgé de 53 ans, et le lendemain son corps a été inhumé au cimetière de cette paroisse, par moi curé soussigné, en présence de Louis Le Moine, lieutenant-colonel dudit bataillon et d’Augustin Pehu, capitaine dudit bataillon qui ont signé avec nous. Signé : Gambert, Curé, Salmon, Le Moine, commandant en second, Pehu, Capitaine. »
Il ressort de ce document :
- Que son grade hélas n’est pas mentionné. Seule sa fonction est exprimée.
- Que son adjoint, Louis Le Moine était au moment des faits, lieutenant-colonel et non général, comme j’ai pu le lire ailleurs. Il ne le deviendra que plus tard. A noter que c’eût été une pure aberration de placer un général sous l’autorité d’un lieutenant-colonel
Convenons aussi que ce non-sens se serait également produit si Beaurepaire n’avait été que Commandant avec un Lieutenant-Colonel sous sa coupe.
On peut donc supposer avec de fortes présomptions de vraisemblance que deux lieutenants-colonels cohabitaient dans la direction de ce bataillon, l’un, Beaurepaire, commandant en chef (sans doute le plus âgé des deux), l’autre Le Moine, commandant en second comme il le déclarait lui-même.
Il n’empêche que l’on a pu lire également ici ou là que Beaurepaire aurait été général. On sait qu’à cette époque, la promotion des officiers se faisait à un rythme ultra rapide. Pour exemple, Bonaparte, en 1793, est passé du grade de capitaine à celui de général de brigade en quatre mois, et il n’avait que 24 ans
Mais rien n’est comparable entre ces deux hommes. L’unité placée sous l’autorité de Beaurepaire, un bataillon de 800 hommes tout au plus, n’est pas du ressort d’un général qui, pour le moins, outre l’invraisemblance évoquée plus haut, a en charge plusieurs régiments.
Reste le titre de commandant. Je crois que sur ce sujet, nous sommes en présence d’une confusion, celle d’un grade avec celle d’une fonction. Lieutenant-Colonel c’est le grade, Commandant c’est la fonction.
On retiendra également que la convention nationale, qui octroyait à sa veuve le 25 Messidor de l’An III (13 juillet 1795), trois ans après la disparition de son époux, une pension de 1258 livres, ne le connaissait plus qu’en qualité de capitaine au 2ème régiment de Cavalerie, ce qu’il avait été à la veille de sa retraite C’était d’une pingrerie !
En conclusion, et après analyse de ces informations, je crois pouvoir avancer que très vraisemblablement, le personnage qui nous intéresse pourrait être défini comme suit : « Lieutenant-Colonel Nicolas-Joseph Beaurepaire, Commandant du premier bataillon de Mayenne et Loire et Commandant militaire de la citadelle de Verdun. »
R. Goujon, 15 mars 2007
Nous avons demandé son avis (bien sûr autorisé) au Général Jean, un fidèle lecteur. Il rejoint celui de M. Goujon, si ce n’est qu’il diverge sur le numéro du bataillon. Citons quelques extraits de sa contribution :
« Nicolas-Joseph Beaurepaire, quel qu’ait pu être le processus de son investiture et de sa nomination, était Lieutenant-Colonel du 2ème bataillon de Maine-et-Loire et Commandant de Verdun. Effectivement, le grade, bien qu’ayant un rapport avec la fonction, s’en distingue. Par exemple, on est normalement lieutenant chef de section, voire commandant de compagnie, capitaine commandant de compagnie, etc Relativement à Beaurepaire, l’énigme essentielle ne réside pas dans un débat byzantin sur son grade, mais sur la nature de sa mort : suicide ou meurtre ? »