Sainte Ménehould et ses Voisins d’Argonne
|
http://www.menouetsesvoisinsdargonne.fr/spip.php?article31
|
Le château de Vaux
samedi, 18 novembre 2006
/ François Duboisy
|
Dans notre dernier numéro nous évoquions le ô combien célèbre château de Boncourt lié à la famille de Chamisso qui n’est aujourd’hui que traces peu perceptibles sur un sol agricole.
Aujourd’hui, nous voulons vous faire découvrir un descendant, pourrait-on dire, de ce château : le château de Vaux. Découvrir, car cette imposante et harmonieuse gentilhommière est des plus discrètes. Pour l’apercevoir, il suffit de quitter la route de Chaudefontaine en haut de la côte, une petite route à droite y mène. Mais c’est une impasse et les actuels propriétaires, deux frères jumeaux Mariano et Natale RICHIUSA veillent à leur tranquillité et il n’est pas possible d’entrer dans la propriété. De bons rapports de voisinage me permettent d’y accéder aisément.
Alcide Leriche qui fut mon professeur (collège de Clermont 1955) a fait un excellent travail au milieu des années 1970 pour recenser toutes les richesses du patrimoine argonnais. Ainsi dans « Chevauchées en Pays d’Argonne », quatre pages sont consacrées au château de Vaux. Malheureusement, une documentation hâtive et superficielle l’a amené à se fourvoyer. Avec l’aide de Monsieur Geoffroy de Chamisso, j’ai pu retrouver quelques traces de l’histoire de l’édifice.
Le premier château de Vaux.
Il semble qu’il s’écrivait Vaux, mais de toute façon, c’était bien le pluriel de Val. Evitez, s’il vous plait d’écrire « Veaux »). La carte de Cassini (1750) le localise très précisément en bas de la pente, côté Bignipont. En fait, c’était une modeste ferme dépendant de la petite seigneurie de Bignipont. A côté de la ferme était bâtie la maison des maîtres, elle aussi fort modeste, qui, après la révolution, va passer de mains en mains. En 1880, Henri de Chamisso acquiert la propriété et en 1884, il va faire démolir ce château. Subsiste de cette époque un petit plan d’eau et les restes des caves qui en 1960 étaient encore en état puisque les fils du propriétaire y organisaient des « surprises parties ».
Les De Chamisso et la nostalgie du château de Boncourt.
Henri de Chamisso, le nouveau propriétaire est en parenté avec Aldebert von Chamisso dont la renommée littéraire est au zénith.
Vers 1700, les de Chamisso, seigneurs de Sivry vont donner naissance à deux branches, les seigneurs de Villers dont Henri est issu et les seigneurs de Boncourt dont Adalbert est le plus connu. Plus précisément, le père d’Henri est le cousin issu de germain d’Aldebert. De son prénom Louis, il est sous lieutenant en 1870 et encadre les mobiles de Vitry qui sont pris dans la tourmente à Passavant. Emmené en captivité, il bénéficia, peut-être grâce à la notoriété de son cousin, d’un régime de faveur : il fut autorisé à séjourner à Spandau chez le fils d’Aldebert, lieutenant-colonel dans l’armée prussienne.
Voilà des liens étroits et Henri va se faire un devoir de perpétuer la mémoire de cette branche émigrée en Allemagne et auréolée d’un romantisme nostalgique qui se cristallise dans le poème « Das schloss ». Pour ce faire, le nouveau seigneur de Vaux décide en 1886 d’entreprendre la construction d’un nouveau château.
Le château d’Henri de Chamisso.
C’est une bâtisse quadrangulaire sans aile, à l’architecture légère avec balcons, décrochements bien dans l’air du temps. Situé en haut de la colline, dans un parc ombragé par des arbres centenaires, elle bénéficie d’une magnifique vue sur la vallée de l’Aisne et sur Chaudefontaine. Initialement, des jardins en terrasse descendaient vers le village.
Mais le plus remarquable, ce sont les symboles rappelant Boncourt et en particulier deux magnifiques lions couchés surmontant les piliers du portail. Ils gardent la propriété : les lions d’Aldebert, « veillantes sentinelles me regardent d’un œil tout pénétré d’amour ».
Sur bien des points, ce château se veut des plus modernes. Ainsi toutes les pièces sont alimentées en eau par un système ingénieux. L’eau est prise dans l’Aisne et envoyée grâce à une pompe puissante dans un château d’eau personnel et de là, l’eau, par gravité dessert toutes les pièces ( à cette époque on n’était pas gêné de boire l’eau de la rivière). Très vite, une importante chaudière au bois alimentera le chauffage central.
J’ai lu parfois qu’un De Chamisso, sous-préfet de Sainte Ménehould, avait habité le château de Vaux. C’est là une erreur. Ce frère du poète Aldebert, Charles Louis, royaliste convaincu et revanchard, exerça ses fonctions de sous Préfet en 1814, puis sera nommé en 1817 Préfet du Lot. Il décèdera en 1824, donc plus de 40 ans avant la construction du château.
Là, Henri, sur ses vieux jours va vivre sa vie de « seigneur de Chaudefontaine ». Il en sera élu maire de 1888 à 1892. Il y mariera ses filles Isabelle en 1889 ( elle a 27 ans) et Alice en 1890 (elle a 25 ans). Mais Henri s’éteint en avril 1892.
Le château après Henri.
C’est le gendre, qui n’est qu’un roturier, Bruno GUY, mari d’Alice qui va reprendre le flambeau. Il va doter le château de deux magnifiques taques aux armes des De Chamisso, l’une dans la cuisine, l’autre dans la salle de séjour,
« d’argent à cinq trèfles posés en sautoir de sable, au chef, et deux mains dextre et senestre renversées posées, de même, à la pointe » avec la devise « NUNQUAM IMPUNE », « jamais impunément », avertissement comminatoire à l’intention de quiconque attaquerait cette noble famille.
Puis le château passe dans différentes mains, on dit même qu’il fut propriété d’un ancien cuisinier du tzar.
En 1914, le château est transformé en infirmerie militaire, puis il devient la propriété d’un Monsieur de la Poterie.
Ce petit noble va s’efforcer de continuer la tradition due aux De Chamisso. Bénéficiant de la fortune de son épouse, il va mener une vie oisive, élever ses nombreux enfants et se faire élire maire. Au début des années cinquante, il doit constater qu’il a mal géré son domaine et que sa situation financière est délicate. René Watelet, négociant en bestiaux achète la propriété et y installe ses activités sur les 32 hectares d’un seul tenant en prés et bois qui entourent le château. Il deviendra lui aussi maire de Chaudefontaine. C’était une tradition : le « seigneur de Vaux » était maire du village. Il passera là toute sa vie professionnelle avec son épouse native de Passavant et ses quatre enfants. Il prendra bien tardivement sa retraite (l’homme était solide) et vendra avec bien des difficultés son domaine à une S.C.I. dont les propriétaires actuels sont actionnaires majoritaires. Il vit actuellement à Reims.
L’avenir du château.
Les deux frères jumeaux ont entrepris d’importants travaux de restauration de l’édifice. Si l’intérieur a été entièrement rénové et modernisé, on peut regretter que depuis des années, des échafaudages masquent l’édifice. Ils pensent pouvoir
terminer les travaux prochainement et redonner au château toute sa majesté. Ils pensent même pouvoir l’ouvrir au public. Mais c’est là encore leur secret.
Quant à moi, à qui on s’adresse souvent pour savoir si l’on peut visiter le château, je m’étonne de n’avoir jamais rencontré les nombreux descendants d’Henri de Chamisso. Peut-être que ce modeste article qui leur parviendra allumera chez eux un intérêt pour la construction de leur aïeul.
Le château de Boncourt à alimenté l’imaginaire d’Henri de Chamisso, de nombreux lycéens et aussi du regretté Bernard Renard à qui l’on doit cet élégant
dessin.
En visitant notre site Internet, vous pourrez télécharger ces documents : |
• , (PDF - 179.4 ko) |
Petite fille de Bruno GUY, mari d’Alice de Chamisso, j’ai eu connaissance de votre article par l’intermédiaire d’un ami d’une de mes nièces. Vos dires m’ont bien intéressée, d’autant plus que nous avions quelques ombres concernant la vie des ancêtres de notre père Bruno GUY, adopté officiellement par sa tante Isabelle de Chamisso aux fins de perpétuer le nom.
Merci pour tous ces renseignements.
Martine HEROUARD née GUY de CHAMISSO
voici de la bibliographie :Recueil des arrêts du Conseil ou ordonnances royales rendues en séances publiques du Conseil d’À ?tat … par M. Deloche,… Tome second.- 2e série (séances publiques) Année 1832.- Paris : Au Bureau du Recueil des Arrêts du Conseil, s.d.- 782 p.
P. 447 16 août 1832 Le Ministre des finances c. les héritiers de Chamisso. Le comte de Chamisso, émigré, décéda à Munich, le 26 mars 1810, laissant, pour seule et unique héritière naturelle, la dame de Morvilliers, comtesse de Chamisso, sa père. Par son testament olographe des 21 et 25 mars 1810, il avait institué pour ses légataires universels ladite dame de Chamisso, et le comte de Hegnenberg-Dux, Bavarois, son ami. P. 448 la dame de Chamisso, décédée, laissa pour légataires universelles les demoiselles de Croismare, représentées dans la cause par les sieur et demoiselle de Belvoux P. 453 dans le cours de l’instance était intervenu comme créancier le sieur de Chazelles
De Chamisso p. 27 de : Journal du Palais. Recueil le plus ancien et le plus complet de la jurisprudence … 1870.- Paris : Bureaux de l’Administration, s.d..- 1320 p.
Hertz (W. Hans).- Wilhelm Ludwig Hertz, ein Sohn des Dichters Adelbert von Chamisso. Ein genealogischer Beitrag. 18 Abbildungen In : Archiv für Geschichte des Buchwesens. . - Frankfurt am Main : Buchhändler-Vereinigung, . - 10 (1969/1970) 269-308
De Chamisso p. 1, 209 de : Jurisprudence Générale. Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine … par M. Dalloz ainé,… Année 1870.- Paris : Au Bureau de la Jurisprudence Générale, s.d.- 448-232-120-136 p.- 40 col.- 2 p.- 388 col.- 7 p.
Pierre Baudrier