Sainte-Ménehould aura bientôt un château, le domaine du Bois du Roy ; mais Sainte-Ménehould avait aussi, il y a bien longtemps, son château.
Beaucoup d’historiens et d’écrivains en ont parlé ; mais voici un document extrait du livre « Le voyageur françois ou la connaissance de l’ancien et du nouveau monde », tome XXXVIII, mis au jour par l’abbé Delaporte.
L’intérêt de ce document est qu’il est écrit en 1765, avant la révolution française, à l’époque où la ville avait encore (comme l’a écrit l’auteur) un gouverneur et un état-major, un peu plus de 100 ans après le dernier siège de la ville ordonné par Louis XIV en personne.
Si le château du Bois du Roy ne sera envahi que par des touristes, le château de Menou, lui, fut souvent attaqué, comme l’a résumé l’auteur.
"La ville de Sainte-Menehoult est regardée comme la capitale du pays d’Argonne. Elle est, sur la rivière d’Aisne, dans une situation naturellement forte, défendue d’un côté par des marais, et de l’autre par des rochers. Sur le plus considérable de ces rochers a subsisté long-temps un château très-élevé, faisant partie du domaine du roi et duquel relèvent un grand nombre de fiefs. On l’appelle le « Château d’Aisne », parce que cette rivière coule au pied et lui sert, pour ainsi dire, de fossés et de défense. On prétend en faire remonter la fondation jusqu’à « Dreux » ou « Drogon », comte de Champagne et maire du Palais, sous Childebert, roi d’Austrasie. Il passa, par la suite, comme le reste de la Champagne, à des comtes descendants de la maison de Vermandois et enfin à la postérité de « Thibault le Tricheur ».
Indépendamment du château, cette ville étoit entourée de murailles, baignées des eaux de la rivière d’Aisne, et de deux autres petites rivières ou ruisseaux. C’est ce qui rendoit Sainte-Menehoult une vraie place forte et ce qui fait qu’elle jouit encore de l’honneur d’avoir un gouvernement, et même un état-major. Dans un incendie qu’on y éprouva en 1719, le château d’Aisne fut entièrement consumé ; et il n’en reste plus que de légers vestiges. Les fortifications de la ville avoient été déjà démolies avant la fin di dix-septième siècle, et elle n’étoient plus en état de soutenir des sièges. Mais elle en avait essuyé plusieurs pendant cinq cents ans, dont voici les principaux.
En 1039, sous le règne de Henri I, petit-fils de Hugues Capet, Sofilon, duc de la basse Lorraine, assiégea cette ville mais il ne put la prendre. Théodoric, évêque de Verdun, fut plus heureux en 1089 et l’emporta. Cent ans après, un autre évêque de Verdun l’assiégea pendant plusieurs années de suite et à la fin y fut tué. Les Anglois s’en emparèrent sous le règne du malheureux Charles VI. Le connétable de Richemont, depuis duc de Bretagnen la reprit sur eux. Le roi François I y fit ajouter de nouvelles fortificationq en 1544. Une quarantaine d’années après, les huguenots essayèrent de la surprendre : mais ils y échouèrent avec perte. Comme les assiégeans avoient mis des chemises blanches sur leurs habits, pour se faire reconnoître pendant la nuit, on a donné le nom de « camisades » à cette surprise et plusieurs autres du même genre.
En 1588, les fidèles sujets du roi lui assurèrent cette ville contre le parti de la ligue. En 1590, elle soutint un siège contre le duc de Lorraine, qui étoit à la tête du même parti, et qui ne put la prendre. Elle fut prise et reprise, sous le règne de Louis XIII, par les Espagnols et par les Français. Les premiers s’en emparèrent encore en 1652 ; et ce ne fut qu’à la fin de l’année suivante, que Louis XIV la repris en personne et y entra par la brèche.
Le domaine de Sainte-Ménehoult appartient au roi depuis la réunion de la Champagne à la France. Mais il a été plusieurs fois cédé à titre de douaire à des reines douairières, telle Marie d’Anjou, veuve de Charles VII ; Marie Stuart, veuve de François II ; et Anne d’Autriche, veuve de Louis XIII, et mère de Louis XIV.
Notes : A : entrée du château. E : Bastion des Lions.
B : terrasse de l’église. G : Bastion de Courteveille.
C : Pointe de la Carrière. M : Porte Royon.
D : Bastion au Lière. N : Porte Canart.