Ménou-Ménou
XII
Ils ont de l’eau croupie au fond de tous les puits
[1]
Où viennent se perdre en masse leurs dégoûtants conduits
Chez nous, nous faisons mieux de peur que l’eau s’corrompe
J’ons bouché tous nos puits, et j’ons acheté des pompes.
Sur l’air du tra la la la, etc.
XIII
Au centre de la ville il existe deux « Journals »
[2]
Qui sont certainement, tous les deux très « morals »
Tous les deux, à grands cris, prêchent la liberté
Tout pour le pauvre peupl’, c’est leur moralité !
Sur l’air du tra la la la, etc.
XIV
Faudrait que vous soyez de fameux cornichons
Si vous ne vouliez pas goûter leurs pieds d’cochons
Suivez bien mon conseil : à l’heure du déjeuner
C’est à l’hôtel de Metz qu’il vous faut pénétrer.
[3]
Sur l’air du tra la la la, etc.
XV
Ils sont plus heureux qu’nous, ils ont un télégraphe
[4]
Qui corrige heureus’ment leurs faut’s d’orthographe
Avant l’hiver prochain, sans s’ça n’épate personne
J’établirons chez nous un splendide « saxophone ».
Sur l’air du tra la la la, etc.
XVI
Les prom’nades de la ville sont vraiment sans pareilles
Franchement on peut bien dire que ce sont des merveilles
Leur beau « Jard », leur beaux « Ormes » et leurs remparts modèles
[5]
Où se promènent sans cesse de nombreuses sentinelles.
Sur l’air du tra la la la, etc.
XVII
Le jour d’la St-Martin, c’est leur grand jour de foire
[6]
Mais chaque année la foule diminue, c’est notoire
A la fête de chez nous, malgré l’temps des moissons
On élargit les rues, on recule les maisons !
Sur l’air du tra la la la, etc.
La page chanson : Ménou Ménou, 2ème partie
Cette chanson dont la première partie a été publiée dans notre numéro 76 a été écrite par une habitante de Florent-en-Argonne en réaction à l’histoire du « mort vivant », cette plaisanterie qui avait fait croire à la mort d’un cuirassier du quartier Valmy et qui n’avait pour but que de se moquer des habitants de Florent.
Voici la seconde partie de cette chanson humoristique au goût parfois douteux mais qui est une balade dans les rues de Menou.
On peut chanter le texte sur l’air du « tra la la », c’est-à-dire la chanson de la mère Michel.
XVIII
On se croirait vraiment en temps de carnaval
Quand il faut compléter l’conseil municipal
On fait des réunions, on écoute des braillards
Qui expliqu’nt la manière d’élever les homards.
Sur l’air du tra la la la, etc.
XIX
Sur douze cents électeurs, il s’en trouve cent quarante
[7]
Qui vont voter pour ceux que l’ambition tourmente
O prodige ! O miracle ! O combl’ de l’innocence
Ils remercient les gens de cett’ preuv’ de confiance !
Sur l’air du tra la la la, etc.
XX
En toute chose, il faut considérer la fin
On aperçoit toujours dans l’œil de son voisin
Un fétu de bêtises, quand on en a chez soi
Depuis le rez d’chaussée jusqu’à- dessus du toit !
Sur l’air du Tra la la la, etc.
Florentine de la Morgnie
Notes
[1] - Il y avait en effet de nombreux puits dans la ville, dont le grand puits au château.
[2] - Les deux journaux cités étaient « La Revue de la Marne » dont le siège était au bas de la rue Florion, et « Le Journal de la Marne » dont Henri Paupette était le correspondant.
[3] - L’Hôtel de Metz, situé rue Chanzy, était un des plus grands hôtels de la ville ; il disparut dans les années 20.
[4] - La Poste était située sur la place de l’hôtel de ville, dans la maison qui est actuellement une chambre d’hôtes.
[5] - Les promenades citées sont le jard, nommé aujourd’hui « Square Pasteur » près de la rivière, les ormes, sur la butte du château (ce ne sont plus des ormes) et les remparts ; là, les sentinelles dont parlent l’auteur devaient être des crottes de chien ; rien n’a changé
[6] - La foire de la Saint-Martin a toujours lieu le 11 novembre et existe toujours. La fête à Florent a lieu début juillet.
[7] - En cette fin du XIXe siècle, les femmes n’ont pas le droit de vote.