Avant les trois coups
Les nuages nous font un toit gris d’ardoise.
Les oiseaux sont au nid ; quelques cris s’entrecroisent
Le vent se fait silence, le tilleul immobile
Protège tout un monde fébrile.
On dirait que la nature est au garde-à-vous,
Sentant approcher l’inévitable courroux.
Mais où est donc le chat, d’habitude si folâtre ?
Là ! Son dos crépite d’étincelles bleuâtres !
L’air pesant vibre sous l’invincible attelage :
Au loin gronde l’infernal chariot de l’orage.
La cascade
Qui dégringole,
Qui caracole,
Qui cabriole,
Qui tressaute en rigoles
Qui déboulent,
Qui s’enroulent,
Qui roucoulent,
Qui s’écoulent en rivières
Qui s’emballent,
Qui dèvalent,
Qui brimbalent,
Qui s’étalent dans la mer !...
Adieu
Une gare,
Un départ,
Un regard,
Un foulard,
Un brouillard
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Je sais en mon village
Un pauvre cimetière
J’y viens en pèlerinage
Pour une simple prière.
Je pense à tous les miens
Qui n’eurent pas de couronnes.
Je pense aux anciens
Qui n’ont plus personne
Humbles défunts, naguère
Paisibles en vos clos
Au fil de la vie douce-amère,
Je vous sais là, en repos.
Pas de monuments orgueilleux,
Une dalle de pierre quelquefois ;
Pas de mausolée ruineux,
Mais de sobres croix de bois.
Devant vos noms, vos dates
Qui retiennent votre passé,
Voici ces roses délicates
Et puis voici un Ave !...
Les mots que l’on tait
Le sourcil qu’on fronce,
Le doigt qui dénonce
Le poing qui menace
Le coup de pied qui chasse
Le sanglot qu’on refoule
La larme qui coule
Une porte qui s’entrouvre
A l’ami qu’on retrouve
La main qui donne
La caresse qui pardonne
Les bras qui enlacent
Pour un baiser qui efface
En disent plus long
Que nos longues paroles.
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