Au lendemain de Noël 1999, pour finir le 20èsiècle, deux ouragans traversent la France, l’un par le nord, l’autre par le sud. Ils creusent deux sillons d’épouvante.
Lothar et Martin endommagent l’Argonne avant de poursuivre leurs méfaits dans toute l’Europe. Ils mutilent le paysage, nos villages sombrent dans la confusion, les pylônes électriques cèdent, l’électricité est coupée, la distribution d’eau est suspendue, de nombreux arbres jonchent les routes, de nombreuses toitures sont envolées, le bilan est lourd ! Une image de fin du monde se fait sentir. Après la surprise, les hommes s’organisent. Les groupes électrogènes font leur apparition, la solidarité se met en place, on redécouvre « le coup de main » mais chez certains l’égoïsme demeure. La nature est ainsi faite.
De tels évènements réveillent en nous un peu le sens du sacré et nous interrogent sur la précarité des choses. On prend conscience des limites du progrès, on replonge subitement 50 ans en arrière. En forêt, l’armée prête main-forte.
Un constat : les résineux ont plus souffert que les feuillus et les grands arbres 5 fois plus que les petits.
Aujourd’hui la nature reprend ses droits, le désordre semble oublié, le cauchemar disparaît. L’homme s’interroge sur sa responsabilité dans les mutations imprévisibles du climat. Il prie secrètement pour que cela ne se reproduise pas. En forêt, malgré le vent d’une force toute particulière, à certains endroits, des arbres sont miraculés !
L’arbre n’est pas seulement des racines, un tronc, des branches mais une espèce vivante et compliquée. Les botanistes nous le rappellent souvent. Les racines en sont la preuve tantôt verticales, tantôt horizontales et souvent communicantes. Saint-Exupéry disait : « De l’arbre, à vrai dire, on ne connaît rien mais considérez-le toujours comme un ami, surtout s’il est un rescapé ».
Aussi, début juillet, au lieu-dit « Le chêne Giraut » (forêt des Hauts Bâtis), chêne plusieurs fois centenaire, d’une circonférence de plus de 5,60m, j’ai rencontré fortuitement deux familles argonnaises qui enlaçaient ce chêne et respiraient à plein poumon l’air de la forêt. Je les ai regardé faire et subitement un homme m’a dit, comme une réponse à ma surprise : « Nous chassons notre stress. Connaissez-vous la sylvothérapie ? C’est une pratique ancestrale. Les bienfaits sont innombrables, nous venons régulièrement ici pour en profiter. » A vrai dire, j’étais candide sur le sujet. Ces deux familles m’ont alors expliqué qu’au Japon, un biologiste a travaillé de nombreuses années sur le sujet et a pu prouver les effets thérapeutiques des bains de forêt et leur utilité pour la santé. Il a terminé son explication par ceci : « C’est comme en Dieu, on y croit ou pas, peu importe. C’est l’avantage que l’on peut en tirer sur le plan de la santé, du stress et surtout du bonheur. »
Retourné à mes pensées et riche de leur enseignement, j’ai rêvé pour l’Argonne. Notre belle forêt aurait-elle un autre avenir ? Brassens n’a-t-il pas été un précurseur en chantant : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux » ?
Bonne lecture du numéro 80.
Patrick Desingly, Président.