Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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C’était hier

Quand la construction d’un moulin pose problème

   par John Jussy



Etablir un dossier pour lancer une construction n’est pas chose facile, et Thierry Fischesser qui va réaliser le parc médiéval du Bois du Roy le sait bien, son dossier ayant pris plus d’un an de retard. Est-ce la faute à notre paperasserie moderne ? Non, au XVIèsiècle, les dossiers traînaient aussi, comme celui de la construction d’un moulin.

Autrefois la ville avait plusieurs moulins, des moulins à eau, établis principalement sur la rivière Auve ; ils avaient nom Gergeau ou Amilaville. En septembre 1578, un incendie ravagea les quartiers de Florion et Saint-Pierre (aujourd’hui au-dessus de la place de Guise). 250 maisons furent détruites et le moulin d’Amilaville fut endommagé. A cette époque, une demande de construction d’un nouveau moulin devait être faite au conseil du roi. On fit même une enquête auprès des habitants et malgré les autorisations et à cause des guerres, cela dura 10 ans Buirette dans son ouvrage d’histoire locale nous conte cette page d’histoire :
"Le moulin d’Amilaville avait été endommagé dans l’incendie et ce moulin, lorsqu’il était en bon état, ne suffisait point, pendant les guerres, aux besoins des habitants, qui n’osaient se hasarder d’aller faire moudre au dehors.
L’année suivante, deux bourgeois de la ville, Lescarnelot de Noyers, et Cochon, grénetier au Grenier à sel, présentèrent au conseil du Roi une requête tendant à obtenir la permission de faire construire à leurs frais, sur la rivière d’Aisne et dans l’intérieur de la ville, un moulin à moudre le blé, offrant de le tenir de sa majesté comme relevant de son château de Sainte-Ménehould ; et à la charge de payer au domaine un écu de cens ou rente, ou toute autre somme annuelle convenable.
Hugues Lallemant de Loisy, l’un des trésoriers de France au bureau des finances de Champagne, fut nommé, pour faire une information de « commodo et incommodo ». Il reçut, le 13 septembre 1580 en présence de François Hocart, procureur du Roi, les dépositions de dix habitants qui reconnurent unanimement la nécessité de construire un nouveau moulin, en donnèrent les motifs, et indiquèrent, comme l’emplacement le plus propice à l’asseoir, un endroit sur la rivière d’Aisne, au lieu- dit « les Arches », où il y avait des écluses, près des murs de la ville et un peu au-dessous du moulin d’Amilaville.
Lallemant de Loisy, accompagné de Germain Godet de Renneville, lieutenant au baillage, de Jacques de Villers, lieutenant du gouverneur, et de plusieurs notables, alla visiter les lieux, le moulin d’Amilaville et celui de Gergeau, situé à un demi-quart de lieue sur la rivière d’Auve. On lui fit observer que ces deux moulins, en temps de guerre et en cas de siège, pouvaient être détruits, ou qu’il était facile de détourner les eaux de l’Auve pour les faire couler dans l’Aisne, et de mettre ainsi ces moulins hors d’état de service ; qu’en conséquence il était utile et même urgent de construire, dans un endroit sûr, un autre moulin, et que l’endroit que l’on désignait paraissait seul convenir. D’après des raisons aussi décisives, il fût arrêté que le nouveau moulin serait construit au lieu-dit les Arches
Sur le procès-verbal de l’information de commodo et incommodo, il intervient une décision du bureau de finances, confirmée par le conseil d’état, qui fixe les charges attachées à l’autorisation demandée, savoir : que Lescarnelot et Cochon entretiendront à leurs frais et dépens les écluses, qu’ils paieront au Roi le somme de quinze écus sols de cens annuel, à commencer du jour où le moulin tournera, et les lots et ventes quand le cas échoira, etc.
Mais les guerres et d’autres circonstances ayant empêché l’exécution de ce projet, il fallut obtenir de nouvelles autorisations. Enfin, après de longs retards et incidents sur incidents, on put s’occuper de la construction de ce moulin, qui ne fut entièrement achevé qu’en 1589.


On remarquera que les bourgeois qui firent construire le moulin devaient payer quinze écus sols de cens au roi. Comble de l’histoire, le moulin construit en 1588 et achevé en 1589 ne vécut qu’un un : en 1590 le duc de Lorraine se présenta devant la ville à la tête d’une armée composée de huit mille fantassins, deux mille chevaux, et d’une artillerie considérable. C’était l’époque des guerres de la Ligue, quand Henri de Navarre allait conquérir Paris. Henri III, son prédécesseur, avait été assassiné en août 1589.
Le moulin des Arches, pendant ce siège, fut « entièrement ruiné », a écrit Buirette, et « ne fut point rétabli ».
John Jussy

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