Les poilus envoyaient des cartes postales à leurs proches ; lire le dos des cartes, sans vouloir entrer dans l’intimité des personnes, juste pour avoir des témoignages, réserve parfois des surprises.
Annick Lecorgne, fidèle lectrice des Vertes Voyes, originaire de la Neuville-aux-Bois, collectionne les cartes postales de son village natal. Une carte qui représente la grande rue, au centre du bourg, avec la maison d’Emile Chaborel, son grand-père, est très jolie. Quelques habitants posent dans la rue.

Si la vue est un plaisir pour les souvenirs, le verso de la carte réserve quelques surprises. Celui qui a envoyé la carte en septembre 1915 était un soldat, certainement là en repos, le front étant à une trentaine de kilomètres. Il a écrit : « Je suis de ceux qui n’ont aucune blessure aux pieds et pour une veille de séjour je suis dispo. Nous sommes à la veille de manœuvres. Il y a des troupes partout ».
Mais sa description de La Neuville-aux-Bois est plus qu’étonnante : « Chers parents, nous sommes arrivés dans un drôle de village, tout y est bâti en planches à part quelques maisons principales, le pays est d’une pauvreté inimaginable. J’ai traversé comme éclaireur avec le sac déchargé presque complètement, heureusement 15kg, sans village, des bois partout et un terrain blanc crayeux. Je vous assure que j’y ai eu soif »
Ce soldat écrivait à ses parents dans la Somme et ne connaissait sans doute pas l’architecture argonnaise. De plus, avec son sac de 15 kg sur le dos, allant à pied, l’homme ne pouvait guère apprécier le paysage.
C’était le début de la guerre ; qu’est-il devenu dans les trois années de tourmente qui ont suivi, on ne le saura sans doute jamais.