Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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1940 : la bataille de Bournonville

Bombardements à Menou



La bataille de Bournonville les 14 et 15 juin 1940 : De nombreux villages argonnais ont été détruits en 1940, comme Villers-en-Argonne ou encore Bournonville, village bombardé par les Allemands le 15 juin. Les armées allemandes avaient envahi le nord de la France, étaient arrivés à Sainte-Ménehould le 12 juin puis progressaient rapidement vers le sud. Troyes sera envahie le 14 juin. Et pourtant on peut lire que depuis le 10 juin, la « guerre est virtuellement terminée ». Les armées françaises reculent, mais loin de la débâcle décrite par des historiens, elles ont ordre de combattre et de « tenir jusqu’à la mort ». Un soldat raconte ces évènements ; il parle de sa 11ècompagnie :

"Le 12 juin 1940, le 6ème régiment d’infanterie coloniale sénégalais retraite de Gratreuil. Le 13 à midi, il passe à La Chapelle-Felcourt et Valmy. A ce moment, le 3ème bataillon a ordre de se diriger vers Givry-en-Argonne. Il passe à travers bois, (par le dépôt d’essence), pendant que le train-hypo et autre continue par la route jusqu’à Bournonville.
Le bataillon arrive à Bournonville à 18 heures. Nous faisons former les faisceaux au moment où les mitrailleuses allemandes claquent à l’autre extrémité du village. Le chef de bataillon de l’état-major de ce dernier s’installe dans les bois de Belval avec la 9ème compagnie.
La 10ème, commandée par le capitaine Larroque, déjà deux fois cité, blessé, évacué le 25 mai, et revenu commander sa compagnie le 13 juin, prend position dans le bois près du dépôt d’essence.
Ma compagnie, la 11ème, s’installe dans le village avec ordre de tenir jusqu’à la mort. La section du sergent David (par la suite évadé d’Allemagne et nommé capitaine) est placée à l’est du village, flanqué d’un groupe de mitrailleuses de la GA5.
Ma section s’installe sur la partie ouest, derrière la grande ferme située au centre du village. N’ayant pas le temps de creuser des tranchées, mes hommes occupent les feuillées des troupes précédentes. Toute la soirée et toute la nuit, nous sommes mitraillés et bombardés par les « Minen ». Le P.C. du lieutenant Blaireau commandant la compagnie, se trouve dans une petite maison au centre du village, entouré d’une barrière verte (maison de M. Grélois père).
Là s’installe aussi le poste de secours où arrivent dès 22 heures des Sénégalais blessés dont un a les deux jambes coupées et ne tarde pas à mourir. Le commandant de la compagnie réussit à faire partir par la route le train auto avec les bagages.
Après une nuit agitée, à 4 heures du matin, les Allemands bombardent violemment le village. De nombreuses maisons sont en feu, dont la grange qui abrite notre train hypo et nos cuisines roulantes, dont nous seront privés jusqu’au 23 janvier.
Il y a une telle fumée dans le village que la respiration devient difficile. A 6 heures, la 10ème se replie sur le bois (P.C. du bataillon). Les allemands attaquent, et après de grosses pertes, nous recevons l’ordre de nous replier dans le bois de Belval."


Comme pendant la Grande guerre, si proche, on abandonne puis on reprend un morceau de terrain, un village ; cela s’est passé aussi à Bournonville.
" Il est 18 heures, je reçois la mission d’aller faire une reconnaissance sous-bois. Au retour le bataillon reçoit l’ordre d’attaquer pour reprendre le village où sont installés les chars allemands.
L’attaque se déroule selon le plan prévu les allemands, surpris, se replient laissant les blessés et du matériel. Nous reprenons le village, mais les chars ennemis nous obligent à nous retirer sous la lisère du bois. C’est là que mon caporal Monge est tué d’une balle dans la bouche. (Un livre, le Mémorial de l’Empire, relate cette attaque, mais l’auteur, trop partial, n’a cité que sa compagnie et a oublié les noms de ceux de la 11ème qui ont fait la plus grande partie du travail). J’obtins ce jour ma 3ème citation.
Nous formons un point d’appui et enterrons nos morts, deux allemands et mon caporal. Cinq officiers sur sept sont blessés et évacués, ce sont les derniers qui pourront aller dans les hôpitaux de l’arrière.
A 14 heures, au moment de prendre un peu de nourriture, je suis chargé de faire une liaison avec la 9ème compagnie. A mon retour à 19 heures le bataillon reçoit l’ordre de repli en direction du village. Je suis chargé, avec ma section, qui pourtant n’en peut plus, de protéger la retraite, je ne dois décrocher qu’une demi-heure après.
Je fais feu de toutes mes armes pour donner le change à l’ennemi. Il commence à faire nuit quand je quitte mes emplacements et dirige ma section à travers bois jusqu’à un marais où se trouve une passerelle, mais ce ne sera que le lendemain vers 10 heures à Vaubécourt, que je retrouverai ma compagnie, après une marche pénible à travers champs, villages en feu et en pleine nuit, sans carte ni boussole, nous avions seulement l’étoile polaire pour nous diriger. Retraite d’autant plus pénible qu’il ne restait plus aucun sous-officier ni caporaux blessés.
A la 11ème compagnie, il ne reste le 15 juin, que 2 sections, celle du sous-lieutenant Delès et la mienne, celle du sergent David a été faite prisonnière, celle de l’adjudant-chef Saintagne a été massacrée et tous ceux de cette section, à part les blessés, sont morts en héros, l’adjudant-chef a eu le bras arraché.


Ce texte semble avoir été écrit par un soldat Sénégalais ; dans le dernier paragraphe, il veut rendre hommage à ces hommes qui, du fond de l’empire colonial, sont venus combattre en France et mourir en héros.
Avant de terminer ce petit récit, je veux rendre hommage à ces braves Sénégalais, qui, venus du fond de l’Empire colonial sont tous morts en héros.
Je souhaite que les quelques dernières lignes, mal rédigées par un ancien lieutenant sénégalais soient lues aux enfants des écoles, non pas pour leur inculquer la haine des Allemands, mais tout au moins pour qu’ils sachent ce que ce peuple est capable de faire.
Bligny-sous-Beaucaire, ce 12 septembre 1946


Ce document nous a été confié par deux lecteurs de La Neuville-aux-Bois.


Les bombardements à Menou en 1940 : Yves Schandeler, lecteur assidu, se souvient de l’épisode dramatique de juin 1940. L’immeuble de son grand-père était situé au 7 rue Drouet, en face de la gendarmerie. Et c’est cette position qui fit que la maison fut touchée. Il raconte les bombardements :
"Mon grand-père, Robert Schandeler, ingénieur des Ponts et chaussées, avait fait évacuer sa maison où logeait toute la famille composée d’une douzaine de personnes : son épouse Gilberte Bussy (fille de l’ex secrétaire général de la sous-préfecture), leurs 8 enfants, dont mon père Pierre, ma mère Paulette Margaine (qui s’en occupait !) et sans doute mon arrière-grand-mère Appauline Dupont.
Sans doute avait-il été prévenu de l’arrivée de l’aviation allemande, et du risque accru en raison de la proximité de la gendarmerie forcément visée ! Toute la famille partit à Florent où elle restât quelques jours.
Mon oncle Marcel Margaine, frère de ma mère paulette, vit la bombe tomber depuis l’entourage du Château ! Et il crût que toute la famille Schandeler et sa sœur Paulette, avait été décimée ! En raison des dégâts très importants (3 bombes sur la maison) les autorités pensèrent la même chose

Au moment de la vente de la maison de ma grand-mère, après son décès en 1991, j’ai pu « récupérer » quelques photos (prises le 15-5-40) de l’arrière de la maison éventrée, dont les bureaux qui furent reconstruits et opérationnels en 1949 ! Habitation et bureaux de mon grand-père et des ponts et chaussées. (J’avais 2 à 3 ans !) Un M. Meunier, rencontré au cimetière du Château, m’affirmait que son père en fut l’entrepreneur.

Une rue de Menou après un bombardement



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