Le manuel publicitaire de Sylvestre Ringeard : Géraudel, des pubs et des stars
Arthur Géraudel était, au début du XXe siècle le roi de la publicité ; mais comment pouvait-il s’attacher le concours de grands dessinateurs et obtenir le témoignage de stars. Un livre va peut-être nous donner la réponse.
Notre pharmacien ménéhildien Arthur Géraudel a fait fortune avec ses pastilles contre la toux ; nous en avons déjà, dans notre revue, écrit des articles sur ses publicités, quand il s’assurait le concours de Willette, célèbre illustrateur, pour un dessin un peu osé (n°61 de décembre 2013) ou quand il s’assurait la participation de vedettes de l’époque, Sarah Bernhard ou le chanteur Paulus, qui devaient à la pastille de retrouver leur voix avant d’entrer en scène (n° 74, printemps 2017). Alors si on se posait la question : mais comment faisait-il ? Un livret va nous donner la réponse.
Luc Delemotte, notre illustrateur et bibliothécaire en Bretagne, a déniché un livret dont une bonne partie est consacrée à Géraudel, le « Manuel du (parfait) publicitaire », écrit par Sylvestre Ringeard et paru en avril 2008 aux éditions « Porc-épic ».
Ce livret comporte 3 parties : leçon n°1 : publicité et faits divers ; leçon 2 : la saga Géraudel ; leçon 3 : publicité et produits vantés ? La partie consacrée à Géraudel comporte 6 pages de texte et 26 pages reprenant les publicités du pharmacien, dont celles parues dans notre revue.
La saga Géraudel ! Ou comment un pharmacien devient un roi de la pub. Et l’auteur nous dévoile d’emblée un nom : Jules Roques. Ce parisien est courtier en réclames mais n’a qu’une idée, relancer le journal « Le courrier français », journal dont sa mère était un des dirigeants. Mais il lui faut un imprimeur, un garde du corps et surtout de l’argent. Et c’est là qu’apparait Arthur Géraudel pour lequel l’auteur du livret a des paroles peu sympathiques. Il écrit « Ultime solution : un obscur pharmacien qui s’est plus ou moins improvisé créateur de pastilles au fin fond de la Marne, non loin de Valmy, Géraudel. Le gars dirige une petite usine »
Le pharmacien ménéhildien a bien fait paraître depuis 1881 des publicités dans des journaux, mais il voudrait quelque chose de plus original.
L’auteur écrit encore : « Le courtier (Jules Roques) invite le pharmacien dans la capitale et se donne deux jours, surtout deux nuits, pour embobiner le péquenot » Péquenot ; d’après le dictionnaire, c’est dans le langage familier un paysan !
Géraudel donne une belle somme d’argent et Roques va s’occuper de faire connaître la pastille dans son journal, dans les affiches qui se multiplient dans la capitale, dans des chansons. Roques s’adjoint le concours de grands dessinateurs, comme on l’a dit Willette, de vedettes du moment comme Paulus ou même Sarah Bernhard ; c’était le thème de nos articles.
Roques disparut en 1909, son journal en 1911 ; Géraudel est décédé en 1906 et l’usine de pastilles ne survivra pas à la guerre.
Tout cela a été possible grâce à la rencontre de deux hommes, aussi entreprenants l’un que l’autre. Mais Roques a aussi profité de la loi du 29 juin 1881 sur la liberté de presse, et même si cette liberté avait déjà été écrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, cette loi votée sous la IIIèRépublique et sous la présidence de Jules Grévy est dite comme « La loi de la liberté de la presse ». En suivra l’ère de la presse illustrée, dont Géraudel tirera profit.
Alors, si l’auteur décrit Géraudel comme un paysan, Roques comme un aventurier avec un manque total de scrupules (qualité indispensable à un publicitaire, dit l’auteur), il n’empêche que ce livret de Sylvestre Ringeard est très intéressant. Roques et Géraudel n’ont pas toujours collaboré, et Roques entré en politique aura des problèmes. Mais cela, vous lez lirez dans le livret. Bonne lecture.
Manuel du (parfait) Publicitaire par
Sylvestre Ringeard Edition Porc-éPic 2008.
A découvrir 26 pages de pubs Géraudel.
Jean Maigret