En automne, quand vous lirez ce livret, vous pourrez vous dire qu’il y a 300 ans la ville n’était plus qu’un tas de cendres ; les Ménéhildiens étaient comme perdus, mais il n’y avait pratiquement pas de victimes. Il faudra reconstruire, et cela nous donnera cette inégalable cité du XVIIIe siècle.
Automne 1719 : la cité de Sainte-Ménehould est en ruines, tout a brûlé, il ne reste que quelques maisons qui ont échappé aux flammes. Les habitants sont partis, quelques-uns vivent dans des baraques installées provisoirement au bord de la rivière. Deux quartiers ont échappé à l’incendie : le quartier du Château, là-haut sur la butte, et le quartier du Milanais, en dehors des remparts.
Ce n’était pas le premier sinistre que connaissait la ville. Déjà en 1578 un incendie avait ravagé la partie ouest de la ville ; 250 maisons furent détruites, comme l’hôpital et l’église saint Pierre qui subirent de gros dégâts ; on retrouva les deux cloches fondues. Heureusement cette année-là la rivière arrêta les flammes.
7 août 1719 ; c’est le soir, il fait chaud, l’été est torride, on est même dans une période de sécheresse ; le vent souffle de l’est, du mauvais côté pour ce qui va suivre. En début de soirée, le feu prend dans un grenier de la rue Chanzy, au centre-ville. Les maisons sont en bois, et chacun possède une cour, avec des remises, des granges, des animaux, du foin, et tout cela brûle facilement.
Le curé Le Chartreux a écrit une lettre à l’un de ses confrères : « L’ardeur du feu était si grande que tous les effets qu’on avait jetés dans la rivière y furent brulés. On vit l’eau bouillir comme si elle eut été dans un fourneau, et on en tira du poisson suffisamment cuit. »
Le vent d’est pousse les flammes vers le reste de la cité ; même le pont sur l’Aisne, surplombé de maisons, n’arrêtera pas les flammes. De plus, les habitants avaient jeté dans la rivière des meubles dans le but de les sauver, et cet amas de bois contribua à la propagation du feu Certains avaient emporté leurs meubles dans des quartiers jugés hors d’atteinte, en vain.
Au matin, les habitants ne peuvent que constater la catastrophe : l’incendie a consumé les grandes halles, l’hôtel de ville (pas celui d’aujourd’hui), le grenier à sel, l’hôtel dieu et son église et tous les bureaux de la ferme du roi : la taille, le sel, le tabac, etc. pour les habitants ce fut la perte des récoltes, du bois de chauffage et pour les plus riches des espèces qui furent brûlées ou volées car, comme toujours, les voleurs ont dérobé ce que l’incendie avait épargné. Plus de registres, plus d’archives de la ville.
L’histoire dira qu’un médecin qui avait trop bu monta dans sa remise avec une chandelle pour chercher un melon (cultivait-on des melons à l’époque ?) ou un potiron que sa servante avait dérobé. Belle histoire, belle légende, mais ce qui est certain c’est que le feu à gagné toute la ville. On connait le nom du suspect : Jean Nollet, mais on n’a pas de trace dans les documents d’un quelconque procès.
Le curé de la ville, Monsieur de Chartreux, parla étrangement de colère divine, surtout que des témoins avaient entendu un coup de tonnerre et vu des éclairs s’abattre sur la ville. Les Ménéhildiens n’allaient sans doute pas assez à la messe, mais ces paroles blessèrent les habitants qui attendaient plutôt des paroles bienfaisantes.
Une question se pose : comment les habitants ont-ils combattu le feu ? Buirette nous renseigne :
"Cependant les bras ne manquèrent pas ; tous les villages voisins étaient accourus, mais ils ne purent qu’être les témoins inactifs de ce désastre. On n’avait ni seaux, ni pompes, ni rien de ce qui est nécessaire pour se rendre maître du feu et l’arrêter.
Les bourgeois et les forains venus pour les secourir se trouvèrent réduits à voir brûler la ville."
On estime à 600 feux (familles) le nombre de sinistrés, soit environ plus de 2000 personnes sur les 2400 que devait alors compter la ville.
Lucile Grasset, qui a écrit un mémoire de maîtrise en 1986 sur l’incendie de la ville donne un inventaire exact des maisons incendiées : « Neuf maisons passablement logeables et trente petites maisons occupées par les manouvriers les plus pauvres de la ville sont intactes. Autres bâtiments épargnés, les couvents des religieuses et celui des Capucins. »
Restait à déblayer, et cela, dit-on, donna du travail à des gens pauvres. L’entraide se mit en place, des fonds furent récoltés. Châlons envoya du froment, Verdun des habits, Reims 1800 livres.
Le roi participa financièrement et la ville devint plus belle qu’avant ; il suffit de regarder notre bel hôtel de ville que les touristes prennent pour un château.
Christine Francart