Nous n’avons pas oublié M. Derray ! Un poète ne meurt pas !!! Pour les lecteurs de notre journal, Me Nathalie Millecamps nous parle de lui :
" A l’expérience, il est difficile de parler de son père, cela touche l’intime et à la pudeur des sentiments. La poésie, comme il la considérait, est ce dit du non-dit, le blanc entre les lignes, le seuil de l’invisible qui laisse la liberté à chacun de sonder plus profond dans l’obscur, de rêver plus haut dans la lumière Dans un perpétuel étonnement, mon père savait dégager du réel, même le plus humble, une essence, pas toujours évidente à nos yeux et à nos cœurs pressés de passer à autre chose de plus utile ou plus futile ? Voilà je peux aussi vous dire que son vers préféré était de René Char :
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».
"Durer dans ce dur marathon
Aller plus loin, rêver plus haut,
Monter la droiture du dos
La sérénité des grands fonds".
Cela le caractérisait bien je pense. Je joins un poème sur l’Argonne, car il aimait aussi la forêt, les arbres et les oiseaux, ainsi qu’un court poème sur ce qu’est un poète. Vous avez avec ces deux genres les deux versants de sa colline !
Argonne vive.
C’est ici le silence, la haute forêt
Où, bien heureux noyé dans ses frondaisons vertes
Je m’étire, à loisir, vers l’intime secret
D’une sève infinie à toute vie offerte.
C’est une plénitude où s’abolit le temps
Solstice d’un été où j’ai du vague à l’âme
C’est une certitude d’être le passant
Solitaire d’un lieu à l’enchantement calme.
Ma somptueuse Argonne aux vagues de verdure
Aux arbres comme humains quelquefois foudroyés
Nous célébrons ton cœur vivant et ses blessures
Dans le chant des oiseaux, hymne de liberté.
Inaugural
Ce rare privilège de percevoir
Dans la nuit, tel l’aveugle
Un babil, mystérieux message
Couturant de silence
Ma béatitude.