Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Un vieux conte argonnais.

La justice de Sainte-Ménehould



Un riche seigneur des environs de Sainte-Ménehould fit savoir qu’il allait organiser à la saint Jean un grand marché sur ses terres. C’était un homme riche, puissant, redouté de tous les brigands du pays, et qui ne cherchait qu’à faire le bonheur de ses manants. Aussi les marchands furent-ils nombreux à répondre à l’appel et, la veille de la saint Jean, ils étaient là à installer leurs marchandises.

Un petit marchand, un peu radin et un peu roublard, se dit qu’il se passerait d’aller à l’auberge et que, puisqu’il faisait beau, il coucherait à la belle étoile, près de sa marchandise. Mais que faire du cheval ? Le mettre aux écuries de l’auberge, c’étaient des frais. Le laisser paître dans la prairie, c’était risquer de ne pas le retrouver le lendemain. Il alla donc voir le seigneur :
"- Seigneur et maître, tandis que je vendrai ma marchandise sur la place du village, à votre marché de la saint Jean, vous plairait-il que mon cheval pâture dans la prairie de votre château ? En toute assurance je vous le confie et, pareillement, je le confie à Dieu. Ayez-le, tous les deux, sous votre protection.
- C’est entendu, marchand, Dieu et moi nous garderons ton cheval."


Le matin arrivé, le premier travail du marchand fut de courir à la prairie du château voir comment allait son cheval protégé par deux si hauts personnages. Catastrophe ! Il ne restait du cheval que la peau et les os. Les loups l’avaient mangé pendant la nuit.
Le marchand alla se plaindre au seigneur :
"- Seigneur et maître, les loups ont mangé mon cheval ! Comment, maintenant, aller avec ma marchandise de marché en marché ? Vous m’aviez promis de veiller sur lui. Il n’est que juste que vous en payiez le prix.
- A combien estimes-tu ton cheval, marchand.
- Soixante pièces d’or."

Le cheval valait tout au plus trente pièces. Le seigneur comprit que le marchand cherchait à faire une bonne affaire de ce malheur.
« - Voici trente pièces d’or, marchand. Puisque tu as confié ton roussin à deux protecteurs, je ne te dois, en toute justice, que la moitié de ton cheval. Va et demande à Dieu le reste de ton compte. »

Le marchand s’en alla avec ses trente pièces d’or, pas content du tout d’avoir été joué. Après le marché, il reprit la route, à pied, ployant sous sa marchandise. Il avait à peine quitté le village qu’il rencontra un moine monté sur un âne.
"- Bonjour, moine. Dis-moi, qui est ton maître ?
- Mais c’est Dieu, marchand. Tout moine est le représentant de Dieu sur terre.
- C’est bien. Ton maître me doit trente pièces d’or. Tu vas donc me les payer.
- Es-tu fou, marchand ? Je ne puis payer.
- Dans ce cas, je prends ton âne."


Et ce disant, le marchand enlève le moine de l’âne et le charge aussitôt de sa marchandise. Le moine, gros et soufflant, n’était pas de taille à résister physiquement.
Mais il se fâcha et appela à l’aide. Deux soldats du seigneur arrivent.
"- Que se passe-t-il ?
- Ce marchand me vole mon âne !
- Pas du tout ! Son maître me le doit."


Les soldats emmenèrent les deux hommes devant le seigneur. Aussitôt le marchand prit la parole :
« - Seigneur et maître, vous m’avez dit de m’adresser à Dieu pour avoir compte. J’ai rencontré ce moine sur la route, qui m’a assuré que son maître était Dieu et qu’il était son représentant. Puisqu’il ne pouvait pas payer la dette de son maître, j’ai fait bonne justice en prenant son âne. »

Le seigneur ne put s’empêcher de rire devant le moine qui se demandait si ce pays n’était pas peuplé de fous.
« - Tu raisonnes à merveille, marchand. Tu es un rusé compère. Et toi, moine, puisque tu as reconnu être le représentant de Dieu, que le vassal paie pour le suzerain. C’est la coutume. Et puisque tu n’as pas trente pièces d’or, tu laisseras ton âne au marchand. Après la justice de Salomon, la justice de Sainte-Ménehould. La dette est réglée. »

Le marchand reprit la route avec l’âne. Le moine, soufflant beaucoup et jurant un peu, dut marcher, maudissant la justice de Sainte-Ménehould.

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