En Argonne, et dans beaucoup de régions françaises, le pétrin comme sa cousine la maie, ont joué un rôle essentiel dans les familles. Ces meubles étaient d’une utilité capitale voire indispensable car le pain constituait sans aucun doute la base de l’alimentation journalière.
Dans ces conditions, il fallait se rappeler que l’obtention royale de moudre le grain et pétrir la pâte fut un progrès gigantesque surtout pour les campagnes. Avant la révolution, il ne faut pas oublier que nos ancêtres versaient une taxe au seigneur tant sur l’utilisation du four que du moulin, du pressoir à raisins et à pommes. Certes, cette évolution n’a pas marqué les villes car il était plus difficile et peu rentable d’y cuire son propre pain (absence de bois) mieux valait alors se rendre chez son boulanger. Dans les campagnes en revanche, on saisit à bras le corps cette opportunité qui perdurera dans bien des régions, dont la nôtre, jusqu’à la jeunesse de nos grands-mères.
La différence entre un pétrin et une maie n’est pas facile à établir. A l’origine il ne s’agit que d’une variante de vocabulaire pour définir un même meuble. Au départ, le pétrin servait à pétrir le pain tandis que la maie servait à le conserver avec d’autres denrées alimentaires de première nécessité. Aujourd’hui on retrouve, en Argonne, des maies qui ne ressemblent plus à des coffres mais à des petites commodes bien travaillées, témoins du savoir-faire de nos ébénistes. Le pétrin était à l’origine de forme cylindrique (demi-tonneau), moins couteux, donc plus accessible aux pauvres.
Pour travailler à la bonne hauteur, sans se briser le dos, les demandeurs sollicitaient les fabricants locaux afin d’avoir des pétrins avec des pieds à hauteur variable, adaptés à la taille des utilisateurs, le plus souvent des utilisatrices d’ailleurs.
Il n’y a pas encore très longtemps, les pétrins ou maies étaient extrêmement recherchés, les prix s’envolaient. Aujourd’hui, on les retrouve dans les greniers, dans les salles de vente et quelquefois malheureusement dans les écuries. « IKEA », entre autres, champion de la rationalité et du rangement, a sans doute bousculé la mode. L’avenir nous le dira. Dans beaucoup de maisons argonnaises, le pétrin ou la maie témoignent de notre histoire. La maie de la grand-mère avait une valeur affective et elle se respectait. Elle faisait partie de notre patrimoine, elle se transmettait. Encaustiquée et fleurie, elle trouvait sa place dans la salle à manger, elle rappelait le temps passé. Aujourd’hui on n’a peut-être plus le même état d’esprit, on oublie si vite et si facilement...
Force est de constater que le pétrin a été pendant deux siècles un meuble utile, voire indispensable. Que l’avenir, si prometteur en progrès mais aussi si chaotique, nous préserve d’y tomber !
Patrick Desingly, Président
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