Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Dans l’ancien canton de Ville-sur-Tourbe.

La Reconstruction après la Première Guerre mondiale .

   par Jean-Louis Le Hingrat



Une ligne de front dévastatrice pour l’Argonne
Durant la Première Guerre Mondiale, la ligne de front coupe le massif argonnais d’ouest en est à sa partie médiane. Après quatre années de guerre, les villages sont en ruines, les terres sont anéanties, des croix indiquent le sacrifice. En novembre 1918, l’armistice est signé. Il est temps de reconstruire.

La « Charte des sinistrés »
Le 17 avril 1919 est votée la loi sur la réparation des dommages causés par les faits de la guerre, dite « Charte des sinistrés ». La base est le principe de solidarité. Les sinistrés se regroupent en coopérative afin de gérer les dossiers plus rapidement et d’être conseillés. Certaines sont spécialisées comme les coopératives des mairies-écoles ou les diocésaines.
Face à la population démunie, des habitats provisoires sont proposés. Il est conçu 2 types de cabanes : la cabane Adrian, du nom d’un sous-intendant militaire Louis Adrian, et la cabane Nissen. .








L’adoption et l’aide financière aux communes sinistrées
A la fin de la guerre, les villages sont adoptés par des communes non détruites par la guerre. Elles apportent des aides financières pour la reconstruction. Pour le détail des dons aux communes du canton de Ville-sur-Tourbe, consulter la revue « Le Petit journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne », n°68, pages 7 et 8.
Certains villages sont anéantis, particulièrement ceux situés à l’ouest de la vallée de la Tourbe. Ils ne sont pas reconstruits. En 1950, le nom de ces villages détruits est accolé aux noms des villages proches.

Le plan des villages et l’architecture avant la guerre ?
Dans l’ensemble, les villages présentent un bâti assez compact et continu le long des rues. Les maisons sont généralement à pans de bois. Les toitures sont recouvertes de tuiles « canal ». Les étables, les granges sont au milieu du village. L’usoir est cet espace de chaque côté de la chaussée où l’on dépose le fumier et les outils agraires. Tout ce bâti, parfois disparate, se mêle sans soucis d’alignement. Les habitants et les animaux se côtoient. Les routes ne sont pas goudronnées.
Ci-dessous : La Grande Rue de Ville-sur-Tourbe et la rue des Ponts à Vienne-le-Château, avant ou durant la Première Guerre Mondiale et aujourd’hui, les maisons construites lors de la reconstruction.

De nouveaux plans et la recomposition des villages
Sur les bases de l’architecture traditionnelle et des particularités régionales, dès 1915, les architectes Agache, Aubertin et Redont impulsent dans leur ouvrage « Comment reconstruire nos cités détruites » des principes fondateurs d’un nouvel urbanisme.
Sur la base de la loi « Cormudet » du 14 mars 1919 imposant un plan d’alignement, de nivellement et d’aménagement, le génie civil est en charge d’étudier les nouveaux plans où les notions d’hygiénisme, de circulation et d’agrément sont également prises en compte. Les villages sont recomposés et deviennent aérés, moins denses. L’habitat est individualisé. En général, les étables sont séparées des logis afin que les animaux ne cohabitent plus avec les personnes. Les bâtiments publics sont regroupés autour de la place du village où le monument aux morts est au centre. Les villages se dotent notamment de l’adduction d’eau et développeront leurs réseaux électriques un peu plus tard. Il convient, aussi, de penser à l’arrivée de l’automobile. La Société Des Architectes du Gouvernement (SDAG) effectue des recherches sur la standardisation des procédés de construction et l’élaboration des matériaux de substitution. L’Union des syndicats d’architectes agréés publie un album de 59 planches : « Standardisation d’éléments de construction “ Charpente et menuiserie », dont une partie caractérise des éléments architecturaux propres aux régions impactées.

La standardisation des procédés et des matériels de construction
Les maisons sont reconstruites sur un même plan, avec un étage. Les ouvertures sont symétriques par rapport à l’axe de la porte d’entrée. La brique est fabriquée industriellement et majoritairement utilisée. L’utilisation de nouveaux matériaux, notamment le béton, les profilés d’acier en I (IPN) se généralisent, ainsi que la pierre taillée industriellement. Les volets en bois sont remplacés par des persiennes métalliques. Il en est de même pour les toitures avec des couvertures réalisées en tuiles à emboîtement, dite mécanique de par sa fabrication mécanisée. Les maçons apportent une touche esthétique en réalisant des ornements aux motifs géométriques avec des briques aux couleurs différentes et en relief. Les chaines d’angles, les bandeaux et les corniches en forme de frise, les linteaux, parfois arrondis sont ainsi réhaussés.

L’Art Déco succède à l’Art Nouveau. Les deux mouvements émergent en réaction aux grands événements mondiaux, l’Art Nouveau au moment de l’industrialisation à la fin du XIXe siècle, l’Art Déco après la Première Guerre mondiale. Lors de la reconstruction, pour certains bâtiments et les maisons bourgeoises, les architectes s’inspirent de l’Art Déco.
Les mairies-écoles
Ces édifices publics deviennent le symbole de la République victorieuse. Ils se doivent d’être remarquables et affirmer le caractère institutionnel. La petite mairie de Rouvroy-Ripont ne déroge pas à ces règles avec quelques éléments architecturaux étonnants pour ce petit édifice. La façade est dotée d’un oriel (fenêtre en encorbellement à 3 côtés), d’un porche dont le fronton est pourvu d’une horloge et d’un porte-drapeau. La symétrie est également respectée pour les ouvertures. Le toit pentu est à 2 pentes avec une croupette.

Les églises
Pour la Reconstruction, par exemple, l’architecture de l’église de Saint-Thomas-en- Argonne diffère de celle d’avant 1914. La pierre employée n’est plus la même. L’extérieur de la nef montre une façade partagée en 3 travées surmontées de pignons. L’ensemble est dominé par un imposant clocher accolé d’une tourelle. L’eau des toitures s’écoule par des gargouilles.
Aujourd’hui, cette architecture des « Années 20 » nous est familière. Nos villages présentent une belle harmonie avec des façades demandant peu d’entretien. Lors de nos promenades, nous pouvons apprécier de nombreux détails architecturaux mis en œuvre habilement par les artisans de l’époque.
Jean-Louis Le Hingrat.

Bibliographie
- L’adoption des communes après la guerre de 14/18, Dominique Delacour, « Le Petit Journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne », n°68.
- La Reconstruction des années 20 en Meuse.
- Les Reconstructions des années 1920 et 1950 en lorraine, un renouveau architectural et urbain, coédité par La Gazette lorraine et URCAUE Lorraine, septembre 2011.
- Les maisons de la Reconstruction, 1920/1930, CAUE 80.
- Reims à l’époque de l’Art Déco, une ville reconstruite après la première guerre mondiale, Olivier Rigaud, ed. Patrimoine ressources, 2006.
- L’église de saint-Thomas-en-Argonne, Sylvain Mikus, « Le Petit journal »n°68, p.28 à 31


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