Gilbert Wadel, facteur des années 1940 aux années 1960, par son fils Marc Wadel.
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A cette époque, mon père est facteur au bureau de poste de Dommartin-sut-Yèvre, alors chef-lieu de canton (transféré à Givry-en-Argonne en 1958). Il assure la distribution du courrier pour Dommartin-sur-Yèvre, Varimont et Somme-Yèvre. Comme sa tournée est restreinte, il est classé auxiliaire.
Pendant la guerre, et en alternance de 15 jours avec le facteur de Dampierre-le-Château, M. Poirier amène le sac de Dampierre et le sien au bureau de Menou en partant dès 3 heures du matin et il reprend le courrier de ces deux bureaux.
Le soir, vers 17 heures, il porte le courrier de Dommartin-sur-Yèvre et celui de Dampierre à l’arrêt des cars de Voilemont. Il y retrouve le facteur de Valmy, le rendez-vous est au café Herbin.
Dans ces années 1940, les Allemands ont un camp de prisonniers français à Somme-Yèvre sous les grands arbres au bout du village. Des militaires y montent la garde et les prisonniers attendent le courrier avec impatience.
Le vélo est le moyen de locomotion et mon père a fabriqué la petite remorque pour y mettre les colis. J’ai alors une dizaine d’années et je le guette à son retour de tournée. Le bruit de la remorque sautillant m’amuse beaucoup. Ensuite je l’accroche derrière mon petit vélo. C’est peut-être le début de mon intérêt pour les deux roues. En effet c’est devenu mon métier plus tard."
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Voici le témoignage d’une guichetière du bureau de Givry-en-Argonne où Gilbert est rattaché : « Au début des années 1960, par une journée d’hiver enneigée, Gilbert Wadel est arrivé au bureau après 10 km de marche à pied depuis Dommartin-sur-Yèvre avec son vélo sur le dos pour pouvoir assurer la distribution du contenu de sa tournée. Mais le courrier n’est jamais arrivé au bureau de poste, les congères ayant eu le dernier mot. La suite reste à découvrir. »
Un exemple de la distribution du courrier après la guerre 1940-1945.
Henri Appert, de la Croix-en-Champagne, est facteur. Il utilise la bicyclette pour se déplacer et assurer sa tournée dans les années 1950-1960.
Pour définir le déroulement de ses journées, voici une phrase un peu coquine utilisée en premier par ceux qui l’ont connu : « Le parcours aller de sa tournée se fait en ligne droite et un peu plus tard, le retour est un peu plus sinueux ».
Ce témoignage reflète tout simplement cette époque : c’est un travail physique, dur, à responsabilité, réalisé en majorité par des hommes. Henri Appert commence sa journée à 6 h le matin, à vélo pour rejoindre le bureau de poste à Auve. Là, il va trier, mettre en ordre le courrier, prendre ce qu’il faut pour le distribuer au village. Puis, avec le vélo alourdi par le courrier et son propre poids, il rejoint Tilloy puis La Croix,
sans oublier les écarts, revient à Auve déposer les courriers reçus et retourner vers La Croix, soit environ 30 km en tout. Il se retrouve chez lui vers 14 h pour enfin casser la croûte.
La météo n’est pas toujours tendre avec lui, à cause du vent, de la neige, du verglas, de la chaleur et surtout de la pluie, ennemie du papier et alourdissant les habits perméables à l’époque.
La distribution se fait en entrant dans les maisons pour y déposer les nouvelles, plus ou moins bonnes, régler en argent liquide les retraites et autres mandats, mais apportant aussi des courriers nettement moins appréciés.
Dans certaines maisons, la gentillesse, voire l’amitié aboutissent souvent à la générosité. Elle s’exprime spontanément en offrant une boisson réchauffante ou désaltérante suivant la température, soit une autre un tantinet plus remontante Cette dernière, parfois trop répétée peut alors faire désordre à la fin d’une tournée. L’excès provient surtout de ceux qui offrent ce remontant pour profiter eux-mêmes de l’occasion, sans se préoccuper si cela peut se répéter plusieurs fois pour le facteur, car trop bien élevé pour refuser !!!
L’évolution de la poste au 20èsiècle.
Cette évolution a permis beaucoup d’avancées, accompagnées parfois du revers de la médaille.
La distribution du courrier s’est modernisée.
Les débuts se sont faits à la marche à pied (pédibus jambus comme cela se disait autrefois). La traction animale a suivi, laissant, au début du 20e siècle la place à la bicyclette, puis à l’automobile.
Le progrès des déplacements entraîne petit à petit la suppression des points poste, agences postales, bureaux de poste Aujourd’hui, dans notre secteur, il n’y a plus que 2 bureaux de poste, des banques postales, à Sainte-Ménehould, Vienne-le-Château, et un centre de distribution à Menou, détaché du bureau depuis 1998.
Dans les années 1960, des fourgonnettes, bureaux mobiles, ont sillonné la campagne pour remplacer les bureaux et agences ayant cessé leur activité.
L’arrivée des « sidex » dans les années 1970-80 est une autre étape. Les mairies ont été contactées pour les accepter ou les refuser. Au début, certains clients ont refusé la décision positive de la mairie. Appelés réfractaires, les facteurs, gênés eux aussi, les servent en fin de tournée. Dans notre secteur il y a des sidex à peu près dans la moitié des villages.
Au début du 20e siècle il y a souvent une personne chargée de distribuer le courrier pour son village. Les facteurs ont eu, petit à petit de grosses responsabilités avec les lettres recommandées, les mandats avec des sommes conséquentes à remettre aux usagers. Ils ont droit jusqu’à 25 mandats journaliers à distribuer. Les erreurs et pertes d’argent sont à leur charge.
Les boîtes aux lettres deviennent obligatoires dans les années 1980. Et depuis, les techniques nouvelles, la robotisation, le numérique, ont fait évoluer les façons d’opérer, apportant des avancées intéressantes, mais avec bien entendu, le revers de la médaille. Un exemple pour la poste : la chute du volume de courrier depuis peu l’oblige à trouver sans cesse des solutions pour survivre. Et les problèmes humains sont à résoudre.
Les timbres.
Quand on parle de la poste, il ne faut pas oublier les timbres. En plus de leur fonction, ils font la joie de nombreuses personnes, en particulier les collectionneurs nommés philatélistes. Vu l’abondance des différentes espèces,
ce doit être un véritable casse-tête.
Remplaçant les cursives, ils sont mis en service dès juin 1849 et obligatoires en 1854. Au début ils représentent l’effigie de la femme, symbole de la République, puis Napoléon III la remplace. Ensuite, c’est Marianne, représentée par un buste de femme coiffée d’un bonnet phrygien apparu en 1792 pendant la Révolution. Puis la semeuse a été choisie en 1903 pour une quarantaine d’années. Maintenant, les nouveautés avec des thèmes différents paraissent sans cesse.
Les timbres et les flammes postales à caractère local sont particulièrement recherchés et prisés. Le numéro du département, apposé sur le cachet dès 1830 puis abandonné, est réapparu en 1965. En 1972, c’est l’arrivée du code postal : 51800 pour le secteur de Sainte-Ménehould. Dans l’arrondissement, quelques villages sont en 51460 (Courtisols), en 51600 (Suippes) et
en 51330 (Givry-en-Argonne est maintenant desservi par Ste-Ménehould mais garde son ancien numéro).
A propos de la couleur des timbres, deux anciens facteurs ont fait la même constatation : ils écoulent plus de timbres rouges (les plus chers) dans la partie est de la tournée, c’est-à-dire l’Argonne, que dans la partie ouest censée être plus à l’aise financièrement, mais attirée en majorité par les timbres verts (moins chers).
On peut en déduire nombre d’explications. Je vais me lancer dans quelques interprétations personnelles :
- Soit plus les gens sont aisés, moins ils sont généreux.
- Soit il y a des gens plus futés les uns que les autres.
- Soit il y a des écolos attirés par le vert et d’autres plus sanguins attirés par le rouge.
Pour finir avec cette liste qui peut être complétée, j’en arrive à me demander si l’un des deux facteurs ou même les deux ne sont pas daltoniens donc peu à l’aise avec le vert et le rouge !!! En conclusion, même les timbres ordinaires font parler d’eux.
Dominique Delacour